Ph. angèlepaoli
ICEBERGS
En ton sang la rage jamais méprisée, survol mutiné qu'aucun pli n'élargit, ne révèle...
De l'inabouti et du gué, des louanges et des fins, que restera-t-il dans tes envasements et tes filières ?
Savoir consume, ignorer épuise, puisque le Même ne sait agir que sur lui-même.
Ceux nés, puis à nouveau engendrés contrairement aux multitudes, se reconnaissant sans mot dire, n'appartenant qu'à leur vertige, aux racines de l'épars...
Approchez, faites en leurs marges jouer l'abord et le retrait, la déroute du proscrit, blessure ouverte sur le visage d'autrui, vous nouant comme à jamais à cette intrigue plus vieille que celle de l'Être...
Rengainés la rosée des nuits, l'épée rouillée et le gué incertain, comme si les formes qui s'y dessinent et occupent ce lieu dans l'espace pouvaient de surcroît recevoir des concepts « moraux »... Diable, une éthique pour Léonard, qui n'en eut point...
Plénitude jamais rejointe, quelque trace manquant au Narcisse qui s'y soumet, au vain espoir du même enfin apaisé, à l'attente goulue parachevant les germes de ses aveux...
Au-delà du pacte, l'autre royaume respire : statue mutilée, temps autre, étranger à tes présages comme à ta soif, miroirs haletant, sculptant l'éclair traqué sur les touffes et les grains, inachevée merveille enfin coïncidant avec ces nids lavés de toute scorie, exactement au joint de tes désirs...
Plus que la vanité des choses, c'est leur irréalité que tu écoutes. Que t'importe alors ce qu'ils appellent échec, lequel désormais n'est plus un tien stigmate, mais le propre et ultime destin de tout homme...
Certains écrivent pour nier, d'autres pour dépasser, toi c'est pour encore et toujours les rejoindre...
Affûts, bûchers, ordalies, bruines des grâces humectant la lèvre de qui ne reconnaît même plus les ombres qui les tentent...
Creuser, ou dire, ou ressouder ― tout sauf en y adhérant sans recul, sans démêler qui vaut de qui jamais ne vaudra...
Ô jardin où, bien après qu'ils ont disparu, encore retentissent les libres cris des enfants, ou bien la lente écume léchant l'éphèbe de bronze rendu près d'un cap au nom proscrit, qui n'annonce rien, ne signifie rien, ne prétend pas exalter une victoire ou pleurer une mort, mais seulement d'être à jamais lui-même, surpris dans sa close sveltesse...
Il y a davantage de choses entre ciel et terre que celles que connaissent vos philosophes. Quelques-unes ne peuvent pas être partout racontées, comme ce jour de grâce où le temps s'est arrêté ― du moins pour toi...
Tu pouvais désormais t'éloigner sans dévoyer ou trahir des rites, te souvenir sans soumission de tout, la fraîcheur sombre, le pli déclos lové dans ce temps enfin à part, une distance creuse, quelques habitués jouant aux cartes, trois enfants avec un chien, une vieille femme près du kiosque à journaux, toutes choses comme hors du temps, de cette lumière qui s'aplatit et égare...
Éperdument fuir toute mise en mots de ce mal-être que masque nourrit et apaise.
« De la littérature comme crime parfait » : il comprit l'allusion, sut que tu connaissais en entier ou partie son secret et se tut, l'air si sérieux que tu en vins à maudire ton habitude de dire les meilleures choses aux pires moments ou le contraire...
Une fois le seuil atteint, peu importe ce qui se passera ensuite, les remords, les présages, les refus, les promesses, les espérances, bien qu'ils continueront à te cacher, à te faire resurgir sous un nom d'emprunt, archivistes, témoins et héritiers des défaites...
Que viennent des temps démêlés les visages et les clous, la pierre et l'envers, lézard recourbé, muraille chinoise, dévotion des murmures, dernier mouroir de l'herbe obscure, du faucon qui remue...
Ô l'aventure de l'aigu, du divers, de l'obscur, qui te déploie en présages, d'un seul trait avouant non ce qu'elle est, mais où elle puise...
S'abandonner à l'instant sans en être captif, là où s'affine la nouvelle soudure, ses téguments, ses rejets, ses lois...
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