Ph., G.AdC RONCES NOIRES Déni des sources trafiquées, de cette distance gorgée d'ombre qui refit de toi l'enfant que rien n'efface, dette, joug, pli des brèches, des tranchées, des filons, des archéologies, de ce qui élargit sans conspuer, enracine sans constituer, advient sans arracher, s'approprie sans juger... C'est l'éloignement qui déchire, pas ses phases, cet horizon qui accueille le Même comme surprise, jamais comme filiation... Ô feu des dispersions, infirme jeunesse, triple écho dedans les grottes de la torpeur, où l'on ne ferme pas l'œil, où l'on doit inventer à chaque pas le prodige du retour... Labeur prédit de se frayer passage, resserrement nourricier, amples foulées par grand vent, force du lien aux lieux sans tutelle où s'allège la parole... Le monde ? Lequel, le mien, le sien, le tien, les variantes, les mensonges, les déformations ? Ou, mieux encore, les herbes folles, le pissenlit recouvrant le gravier du sentier, miroirs rapetissant sans déformer une réalité toujours anachronique... Les retards ne t'avaient pas vieilli, seulement léché tes contradictions... Mais pas ces personnages qui s'apprêtent à se perdre dans des galeries que l'on sait sans issue, pas les propos, évanouis en cette phrase unique que tu ne sais plus répéter de tant la connaître, qui ne se peut abolir, que tu l'amendes ou la plies... Villes sans résidus, semblables aux images d'enfant, pignons tordus, obscurité assourdissant le creux des psaumes... Your eyes like tigers with no words written in them... Fuite qui dépense, précède, s'incurve dans l'illusion, ne dépensant que ce dont on lui fit don, assombrissant vos vains acharnements contre le lieu et les rapines... Qu'avancent ces heures sonnant en tous lieux, délivrées des causes, des fileuses, des verriers, des sentinelles, des miracles... Qui nous délivrera des issues, de cette heure, de cette geôle ? Que peuvent les désaveux face aux moissons, aux vieux orgueils, aux guerres semées ? Apprends qu'il n'y a ni détour ni intrigue qui sachent défaire de l'être les règles et les fissures... Fruit errant, poli par l'éclair, traqué par ces flammes qui jamais n'appauvrissent ni n'en dispersent les miettes, serties d'échos, de convoitises, d'ébauches du bond qui veille, scrute, ressasse... Désapprends ce qui lève à l'oubli, ce qui est ce qu'il est, sans devenir, sans filiation... Chemin taillé à même les pactes et les plaies , à même ce que tu sais et perds, à même la souillure... Brise la roue, si tu veux engendrer sans posséder qui tu engendres, la puissance qui arpente, qui jamais ne mésuse de ses griffes... Que redescende l'ombre qu'on peut blesser, la naissance comme retour, la mort comme intuition... L'Un toujours s'affronte au péril de se complaire dans tel avers, de s'y vautrer, s'y perdre... Ce qui jamais ne devient toujours EST. Ph., G.AdC Se déprendre des dons, clore l'aveuglement, la durée idolâtre déjouant toute percée usurpée, toute fêlure... Il n'y a pas, n'y a jamais eu de sens dernier, de hiérarchie des envols, de métissage des présages... Essayer d'une autre façon cette fois, dénouer du jeu l'affût méridien, voir les choses comme qui est vu par elles... Loués soient les jours, les fils tissés malgré nous, loués le gué et le naufrage... C'est presque l'heure de dire le nom le plus obscur, tissé du détour redurci, des lentes pudeurs de cette stèle où l'enfant s'arrime aux feintes nuits des sables, la chose qui presque toujours s'échappe dans ce que nous écrivons ou aimons, glissant, tâtonnement voilé, vers la seule façon d'arpenter la lisière... André Rougier D.R. Texte André Rougier |
Retour au répertoire de mai 2010
En écho à ce superbe texte, un poème de Charles JULIET
ni acquiescer
ni refuser
ni chercher
ni ne pas
chercher
ni savoir
ni ne pas
savoir
ni parler
ni se taire
un pied sur chaque versant
tu ne connaîtras pourtant
jamais la crête
et tout ce que tu peux faire
c'est chaque fois
te rétablir en catastrophe
puis tendre le miroir
où surgira ce qui est
mais que ce qui sera saisi
par ton oeil ne porte
pas ta ressemblance
Charles JULIET, Fouilles, P.O.L, 1998, p. 45.
Rédigé par : Mth Peyrin | 11 mai 2010 à 09:50
Arpenter la lisière... Belle journée de travail commencée par ce texte, après de vraies vacances,
Bonjour à toi Angèle, bonjour à tous et bien à vous,
Sylvie
Rédigé par : Sylvie Saliceti | 11 mai 2010 à 11:50
Merci, Mth, pour ce très bel écho et ce beau poème de Charles Juliet ! Dans une forme d'écriture totalement différente, voire même opposée. L'une, par sa concision, éclaire la profusion de l'autre.
Rédigé par : Angele Paoli | 11 mai 2010 à 14:45