Ph., G.AdC JE REVIENS Je reviens, mais qui revient dans ce revenir, les portes se ferment, les crépuscules ressemblent aux aurores & qu’est-ce que je cherche à dire de ce dire impossible dans ce souffle qui me traverse, m’ôtant les mots de la bouche, me les dictant, & ce qui parle en moi, ça n’est pas moi c’est la voix sans voix, & je voudrais l’entendre, & je n’entends que le silence têtu qu’il en reste, cette sorte de stupeur comme une réponse avant la question, comme des mots articulés avant que je les prononce & qui m’emportent dans leur désordre refusé car c’est un ordre que je cherche, un fil pour réunir tous ces éclats épars, quelque chose où je me reconnaîtrais mais comment me reconnaître dans ces vagues une à une poussées par quel vent, quel obscur courant & je veux me taire et leur écume vient me blanchir la bouche je dégorge, oui, je dégorge, chêne visage tank clôture araignée sirènes avenues nébuleuses éponge silo journal primevère tour à genoux tarmac nombril muraille cellule volcan je vois ce que j’entends, le langage est mes yeux, je serre les dents, je dis trop, arrêtez, mais je continue, je laisse filer muraille volcan abysses fourmi je suis une énumération muette & son grouillement de syllabes, je bafouille, des cris me déchirent, je fouille une décharge de mots usés, de bribes de phrases que je ne comprends plus de mes yeux sortent des soleils & des nuits, de ma bouche des vols serrés d’oies sauvages, mes doigts touchent un horizon de flammes, mes pieds pataugent dans le sang je suis trop loin pour moi, je me défais, je me dilue, ma parole est un fleuve sale où moussent les rhétoriques, où s’effilochent les taches huileuses de proses filandreuses, les poèmes morts ventre en l’air, une pollution de discours, une entropie de langues tournoyantes |
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Sans le numéro 37 de la revue NU(e), sans Terres de femmes et sans la page si riche d'Esprits nomades, j'aurais pu continuer mon chemin sans connaître l'écriture et l'humaine présence de Jacques Ancet.
De tous ces textes qui nous parlent de lui, je retiens, dans celui d'Yves Charnet ("Brûlure du réel perdu : l'expérience Ancet"), ces quelques lignes, p. 109 (revue NU(e)):
"De cette oeuvre je dois à la loyauté de dire que je ne sais comment en parler. Les poèmes de Jacques Ancet - certains ont le pouvoir de me bouleverser au plus profond de mon être - font partie de ceux qui me laissent muets. Qui provoquent en moi cette commotion sidérée, cette stupéfaction radieuse sans lesquelles il n'est peut-être pas d'émotion poétique authentique. Pas de ravissement véritable. Comme ceux de Pierre Reverdy et d'André du Bouchet, les poèmes de Jacques Ancet me hantent et me fuient du même mouvement. Je les relis périodiquement. De plus en plus souvent au fur et à mesure que, dans ma vie, les années passent. Comme le vent. Je les relis à voix haute. La plupart du temps en marchant [...] Je participe à cette lecture de tout mon corps. Par le plus incarné de ma pensée. Le plus charnel de ma compréhension [...] Je deviens les mots que je lis. Ils deviennent la chair de ma pensée. Le monde s'élargit. S'éclaircit..."
Rédigé par : christiane | 11 mai 2010 à 20:36
Pour moi également, Jacques Ancet est une découverte récente et j'apprivoise doucement : "Ces poèmes qui sont la cendre encore chaude d'une incandescence minuscule et fabuleuse. Quand dire c'est vivre" (Yves Charnet, pour Corps et pensée)
J'ai commandé ce numéro d'Autre Sud qui se glissera dans ma boite aux lettres ce midi, peut-être.
Rédigé par : Mathilde | 12 mai 2010 à 11:10