Le billet hebdomadaire de Nestor (20)
Si tout est chiffre et presque rien semence, peut-être le regard ne peut-il aucunement être lissé, tout au plus abrité ou dénudé, peut-être le devenir n'est-il, contre toutes faims de sens, que le silence qui manque, bris atterré du miroir, sceau rompu des vues, sillage et non pas épave des preuves, hantant ces ports où les houles se valent, ces gares où l'on prête oreille aux silencieux, au hasard des souches, à l'enchanteur qui égare...
Intransigeante fortune, haine du cadastre, gibet encore humide flétrissant les grâces taciturnes, ce que tu fus, tout autre que ce que séparas, submergeas, bourlingueur semant ses lamentos et sa prestesse, la trappe qui dénigre et dont on oubliera sous peu les noms, les dettes, les désenvoûtements, le désir lestant l'instant du fétiche irrécusable...
Parole allant, comme le suicidé du pont Mirabeau nous en enjoignit « de seuil en seuil », brassée oublieuse au front de l'idole nue qui rien ne détient, ne réserve, ne prélève ni ne cache, sentinelle dissidente sachant concéder au regard sa triple appartenance, pressentant en son sang l'avenir trépané faisant fi des soucis, des captures, des cueillettes, des sobriquets, des vaillances...
Congédier, oui, cela même qui fonde et déjoue sans jamais servir de cible, gerbe de tisons, soif non assidue, guet qui presque rien n'apaise de l'autre et si peu de soi, lumière surgie de l'ailleurs que tu sus, enfin livrée aux prête-noms malmenés par ton ombre, par la rose que Rilke t'offrit, gage de la « pure contradiction », de cette « joie de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières »...
André Rougier
D.R. Texte André Rougier
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Retour au répertoire de mars 2010
Le 11 août dernier, je me suis rendue sur la tombe de Rilke. Le voyage était long. Comme les pèlerins, j’ai marché jusqu’à Raron. Là, en haut d’une montagne, une croix simple m’attendait. Une croix dont le vieux bois blanchi par les saisons affiche « R.M.R, 1875-1926 ».
Puis cette phrase sur la pierre tombale : « Rose, Oh reiner widerspruch, lust. Niemandes schlaf zu sein unter soviel lidern. »
Derrière le mur de l’église qui abrite le poète, j’ai griffonné pour lui deux mots: "Cher Rilke, Qui vous entendrait parmi les anges ? Aucun cri alentour, rien d’autre que la douce mélodie des choses dominant la Vallée de Sierre."
La gardienne du musée a-t-elle senti mon émotion, et au-delà ce lien invisible qui me relie au poète ? Sur un bout de papier écrit de sa main, elle m’a apporté la traduction en français de l’épitaphe gravée sur la pierre : « Rose, oh pure contradiction, volupté de n’être le sommeil de personne sous toutes ces paupières.»
Si vous désirez quelques photographies, je les tiens à votre disposition avec plaisir,
Merci Angèle pour ce beau papier,
Amitié,
Rédigé par : Syl S | 10 mars 2010 à 22:13