Ph., G.AdC LES RONCES M’ONT DÉCHIRÉ Les ronces m’ont déchiré, le gel a crevassé mon âme et j’ai dit que cette lande était maudite, mauvaise et sans espoir maintenant je sais qu’il est un lieu où les contraires se répondent que le feu peut dormir dans une pierre ou traverser le croc d’un serpent mes amis, je vous avais perdus comme tant d’autres choses dans mon rêve voilà que nous nous retrouvons, souriants sur le seuil du monde, presque guéris. 24 mars 1996 Claude Esteban, Poèmes inédits, in revue Europe, mars 2010, n° 971, page 39. |
CLAUDE ESTEBAN ■ Claude Esteban sur Terres de femmes ▼ → Bleu, bleu surtout (poème extrait de La Mort à distance) → Suis-je (poème extrait du même recueil) ■ Voir aussi ▼ → (sur Semenoir) lire au soleil Claude Esteban... → (sur Un nécessaire malentendu) Claude Esteban/Dans le fleuve |
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Magnifique !
France Burghelle Rey
Rédigé par : France Burghelle Rey | 24 mars 2010 à 19:30
Passage du froid de solitude et de déchirure au réconfort d'un feu qui couve et d'amitié réconfortante.
Rédigé par : cheminezenlair | 24 mars 2010 à 21:34
Comme j'ai aimé, dans une émission ancienne des Mots de minuit, où il y avait Andrée Chedid, Charles Juliet, Xavier Bordes... bien d'autres encore... le regard de cet homme espagnol Claude Esteban, sa voix vaincue pour raconter en poème ce qui est insupportable : la chute brutale d'un être aimé, sa femme, sur une lande, et le désert qui s'ensuivit...
Autre recueil Trajet d'une blessure (ici somatique) qu'il faut donner à lire à tous les soignants qui passent à côté des êtres alités sans se douter de ce qu'ils redoutent, cécité et surdité des verticaux, passage éclair sur les marges du limon de la souffrance... Quête d'échange et de compassion
"détourner de moi
le regard
laisser qu'un autre
touche
la blessure obscène"
"Partageant tous une douleur
unique
et la gardant
pour soi, jalousement"
Rédigé par : Mth Peyrin | 24 mars 2010 à 22:58
Nécessaire poésie... Celle d'Esteban.
Rédigé par : sylvie durbec | 25 mars 2010 à 09:18
Claude Esteban avait participé à un numéro d'Europe datant de mars 2002 , l'Ardeur du poème, où la parole avait été donnée à des poètes du monde entier " persuadés qu'on respire mieux et plus intensément au grand large que confiné dans son pré carré "
" Il y aura du soleil
et sans doute au loin la forme
vague d'un nuage
comme pour dire que les choses
ne pèsent plus et ce sera
comme si le malheur était une histoire
vieille,
si vieille que personne ne se souvient."
Superbe poète du partage , dans son désir de rassembler des voix qui lui ont rendu la saveur du sensible.
Rédigé par : Mathilde | 25 mars 2010 à 10:34
"... presque guéris.
Ce "presque" est peut-être le tremplin de chaque poème. Une faille où les mots sont précipités ?
Egalement, une faille d'où les mots font irruption ?
"Les soignants, lorsqu'ils passent à côté des êtres alités sans se douter de ce qu'ils redoutent... ?"
Les soignants sont des personnes de terrain engagées dans la perspective du soin corporel... en premier lieu, ils soulagent la douleur physique qu'ils prennent en charge. La qualité de leur présence instaure la confiance qui ouvre la porte de l'intérieur vers... l'autre... c'est alors qu'advient la compassion.
Mais à chacun sa fonction ici-bas. Les soignants ne sont pas tous poètes...
Et, par exemple, tout le monde ne peut pas accompagner la maladie d'Alzheimer en poésie, comme j'ai pu le faire en écrivant Cratère de lumière. Et, ce faisant, je songeais : "piètre accompagnement !"
Marie-Christine
Rédigé par : Marie-Christine Touchemoulin | 25 mars 2010 à 10:38
Le point de vue du poète n'est pas inaccessible pour le soignant, il n'est simplement pas prioritaire, il le rend plus vulnérable en milieu persécutoire, sauf peut-être aux extrêmes de la vie, lorsqu'il n'est plus question que d'accompagner l'inéluctable et que la qualité de présence se décompte en lourdes minutes de courage et d'abnégation (une certaine gratuité du regard compassionnel qui est aussi un miroir). C'est difficile mais pas impossible.La proximité des douleurs les annule peut-être parfois mutuellement et il n'est question que de survie physique et/ou psychique. Dans ce poème, Claude ESTEBAN se situe plutôt dans les retrouvailles que dans le constat écrit et silencieux d'un certain abandon. Dans Trajet d'une blessure, il est dans l'épreuve et dans l'intériorité douloureuse. Il n'est pas encore en surplomb de lui-même, mais il ne se noie pas non plus puisqu'il se pense, pensant à ceux qui sont autour, en presque parfaite disjonction. Et c'est cela qu'il souligne, peut-être davantage que de la séparation qui radicalise la solitude et tente de la dramatiser pour la rendre lisible. On grossit les détails d'un tableau pour mieux comprendre...
Rédigé par : Mth Peyrin | 28 mars 2010 à 22:45
Merci à toutes de votre présence croisée à la faveur de ce poème de Claude Esteban. D'origine espagnole par son père, Esteban a choisi la langue maternelle comme langue d'écriture. Son nom qui se termine sur la voyelle nasale [AN] se prononce aussi [AN] et non [Ane] comme je l'ai moi-même cru, jusqu'à la lecture du numéro d'Europe de ce mois de mars 2010, qui lui est consacré.
Je suis assez d'accord avec l'approche de Marie-Christine dans sa façon de percevoir le "presque": qui ouvre une faille à double entrée où achoppent les contraires. Pour le reste, la maladie et l'accompagnement extrême qui précède la mort, je n'en ai pas d'expérience personnelle précise. Je sais seulement que la compassion n'est pas à la portée de tout le monde. "La cécité et la surdité des verticaux" rend compte d'une impossibilité à... en même temps que d'une volonté tenace de se protéger. Mais ce n'est jamais que partie remise et chacun à son tour affronte, dans l'ultime solitude, les expériences de la souffrance et de la douleur. C'est peut-être là que la poésie devient essentielle. Je me souviens de mon père qui, à l'article de la mort, lisait René Char.
Rédigé par : Angele Paoli | 30 mars 2010 à 12:43