Le
5 février 1887 a lieu au théâtre de la Scala de Milan la création de
Otello de
Giuseppe Verdi.
Francesco Tamagno, le premier Otello
au Teatro alla Scala de Milan.
Inspiré de la tragédie en cinq actes du poète dramatique William Shakespeare (1564-1616), Othello ou le Maure de Venise, le dernier opéra tragique de Giuseppe Verdi est un drame lyrique en quatre actes d’Arrigo Boïto, librettiste et ami de Giuseppe Verdi.
Drame de la vieillesse du « Maestro », composé entre 1879 et 1886, ― Giuseppe Verdi (1813-1901) est âgé de 74 ans lorsque Otello est joué pour la première fois ―, Otello hante les proches de Verdi depuis 1879. La cantatrice Giuseppina Strepponi, seconde épouse du compositeur, l’éditeur Giulio Ricordi, le « Maestro » Franco Faccio. Puis Arrigo Boïto. Qui finissent par convaincre le « Maestro » Verdi de se pencher sur le sujet. L’idée de construire un opéra autour de la figure ambigüe de Iago murit en lui lentement. Verdi s’attelle à son opéra. La composition du personnage de Iago, enseigne d’Otello, son caractère pervers et tortueux, sa perfidie et sa cruauté préoccupent le compositeur. Autour de lui s’animent, de jour en jour plus précises, les figures de ceux qui seront traversés par son influence démoniaque : Otello et Cassio, Desdemona et l’ensemble des personnages mineurs qui peuplent l’opéra. Verdi, qui entretient avec les personnages de son futur opéra un contact intime, explore avec passion la psychologie de chacun. Au point que ce drame, dont le titre initialement prévu était Iago, est un drame psychologique, terriblement humain. « Inventer le vrai », tel est le fil qui guide Verdi dans l’élaboration de son œuvre. Musicalement, ce climat dramatique est servi par une maîtrise symphonique qui n’abolit pas pour autant la force expressive du chant. Mais la nouveauté apportée par Verdi tient à la disparition de la frontière entre récitatif et air.
De 1881 à 1887, Verdi travaille à Otello. Le compositeur, très informé des recherches de l’avant-garde, tente d’explorer un monde musical nouveau et réunit dans Otello présent et passé. Considéré comme un chef-d’œuvre du genre, Otello comporte plusieurs pièces maîtresses : la tempête, le duo d’amour entre Otello et Desdemona (« Un bacio… ancora un bacio » ― Acte I) ; le credo blasphématoire de Iago (« Credo in un Dio crudel »), le récit que Iago fait à Otello du prétendu rêve de Cassio (« Era la notte » - Acte II ), le long monologue d’Otello en proie à la jalousie (Acte III), la « Chanson du Saule » (« Piangea cantando... Salce, salce ! »), la mort de Desdemona (Acte IV).
C’est en décembre 1885 que Giuseppe Verdi écrit à Victor Maurel (baryton) que le rôle de Iago est fait pour lui, et exclusivement pour lui. Tandis que le rôle d’Otello revient, lui, au grand ténor Francesco Tamagno. Le rôle de Desdemona est interprété par Romilda Pantaleoni.
Pourtant, même si Tamagno et Maurel sont acclamés avec enthousiasme, la première de Otello au Teatro alla Scala de Milan déconcerte. La complexité de la partition désoriente le public qui ne reconnaît pas dans cette œuvre novatrice et de presque avant-garde, le compositeur qu’il adulait jadis. De fait, avec Otello, Verdi semble prendre ses distances avec la tradition italienne de l’opéra du XIXe s. pour se rapprocher des conceptions germaniques du drame musical, notamment des drames de Wagner. Cependant le compositeur réussit à combiner adroitement l’ancien et le nouveau. À ménager les conventions du genre tout en accordant aux techniques plus modernes une place qui permette de donner de l’ampleur à son œuvre. De cette confrontation dialectique naît la tension dramatique d’Otello. Qui ne connaîtra pourtant pas le succès populaire qu’avait remporté Aida (1871).
Angèle Paoli
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