D.R. Ph. angèlepaoli
ENTRE UN [k]… ET UN [v]
Le plumbago est en fleur [Bleu du Cap]
malgré cette douceur
une brume blanche enveloppe
― ouate village
ouate clocher
ouate collines ―
englouti enseveli
plus rien n'existe
ni passé ni présent
demain avalé
oubliée la dentelaire douce
un petit vent frissonne frais
secoue l'eucalyptus
la mer mugit en contrebas
― happée ―
surgit par trouées grises
griffonnées de crêtes blanches
chaussures de montagne
bonnet de laine brune sur les oreilles
coupe-vent rouge
gants vert amande douce
tout en marchant (je) dévie
ma route (je) dérive
jusqu'aux confins de la Nouvelle Zemble
― nouvelle jusqu'à ce jour
(j')en ignorais l'existence et le nom ―
quelle carte pour dire de quel Nord il s'agit
du petit qui n’existe pas ou du Grand ?
tout en marchant (je) rêve
aux brouillards de Barents
à cette île noyée ― passage du Nord-Est ―
qui depuis des jours vacille
toujours son nom échappe
entre un [k] … et un [v]
le tréma et l'arrondi d'un [o]
placés dans le désordre
qui pourrait le croire
un brouillard fibreux d'étoupe dense
engloutit montagne et crêtes
le village et ses piani
ses murets ses chapelles
le lampadaire bourgeois
au-dessus de la route
les chèvres surgissent au détour
une par une sonnailles au cou
le mugissement des vagues tout proche
le gros du troupeau se resserre [flanc à flanc]
les échancrures de chair brune retroussées
fièrement dans la broussaille de la laine
(je) sens le chuintement des roches
une goutte puis une autre
les oasis minuscules dans les replis
Utah miniatures forgés
à même les schistes verts
superpositions de strates
feuilletés de pâte fine
ça gargouille ça pleut
ça frissonne ça sommeille
ça s'écaille ça se délite
menues trouées de nacre
qui s'effrite sous le graphite
les nuages se lèvent
la mer se libère de son poids de brume
les gris du ciel se diluent acier de l'horizon
le maquis s'enracine
la nature s'ébruite
dans le recueilli de son silence
et toi en ton centre
tu dis que cela est bien
crottes serrées menu le long du talus
(ma) vie entière
dans ces déjections d'olives noires
petites niçoises fripées
dans le redoux du jour.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
D.R. Ph. angèlepaoli
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Mais quelle est donc cette nymphe surgie du brouillard avec son petit troupeau de chèvres gracieuses ? ?
Ondine... Calypso... Daphné... Calliope... Erato... ...Galatée ?
J'ai cherché dans les tableaux de Hacker, Leighton, Houzeau... dans les statues de Desjardins, Morgan, Bouguereau, Girardon, Regnaudin, Ottin... mais non, personne n'a pu la saisir... Elle semble habiter dans une terre imaginaire entre mer et rocher, entre maquis et sources...
Naïdes, Néréides, Oréades, Dryades, l'avez-vous rencontrée ? Parfois elle se déguise avec bonnet de laine et ciré rouge... je crois qu'elle écrit en marchant...
Rédigé par : Christiane | 11 janvier 2010 à 11:20
Avec vous, nous respirons l'air qui n'est pas en cage... Merci...
Rédigé par : Alix | 11 janvier 2010 à 17:13
Angèle, c'est généreux de te saisir ainsi de nous pendant ta balade. Tu nous abrites dans un de tes refuges, un lieu très intérieur, près de la pupille et du cœur, ou quelque part comme ça, et nous voilà sur le sentier des merveilles, à moitié terre, à moitié toi.
Merci.
Rédigé par : johal | 12 janvier 2010 à 08:35
Merci à toutes trois, amies de cœur et d'âme ardente. Votre tendresse est douce et j'aime que vous vous associez ainsi à mon apesanteur.
Je suis rassurée de lire Johal, je sais qu'elle est là, fidèle, dans un demi-soupir, qui vient ajouter ses mots, mezza voce, à ceux de Christiane et d'Alix.
Rédigé par : Angèle | 12 janvier 2010 à 21:46
Oui !... aux "oasis minuscules dans les replis" et Oui ! aussi aux consonnes qui redécoupent le mystère dans un paysage très familier. Le brouillard insulaire est une ruse pour économiser l'eau des larmes phréatiques. On n'en a pas vraiment besoin, la soif est ailleurs. Peut-être dans le temps rebâtisseur des arrimages ensoleillés de la silhouette, sur les sentiers caprins, solstices en jachère efficiente.
Rédigé par : Mth Peyrin | 14 janvier 2010 à 01:32