EX(o)ilium Qu’est-ce que j’ai pris Dans ma valise au départ ? Des cicatrices, des astuces, Misère sociale, démons affectifs, Des vices et des contes de fée Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots itinéraires. Qu’est-ce que j’ai gardé Dans ma valise à l’arrivée ? Les batiks colorés de ma mère, Le dor * des lieux miteux, Un proverbe éphémère La fièvre des maladies essayées, Les gâteaux en terre, saupoudrés de glaise, Les premiers jouets en bois et en laine, Les pluies rares, les vents et les gels de la pousta,* Les bécasses et les cigognes couvant des toits rebelles. Les tambours et les feux dans les rues, à Noël Langue de l’arrivée Avec des mots miroirs : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Pas de temps à gagner, Pas de temps à perdre. La langue n’est plus Dans ce cas-ci l’organe du cœur Mais celui du savoir Et celui du pouvoir. Où es-tu lieu de naissance Quand tu deviens in- tranquillité Endroit sur une carte postale Sans droit à l’avenir, jamais postée, Trace emmagasinée dans le fond des pupilles, Trace éloignée dans l’espace de l’écrit Sans patrie, rabougrie, cachée, isolée, Seule avec le monde, triée et tirée au sort, Trace irréelle dans sa propre réalité, Trace immonde dans sa propre propreté, En état d’infériorité ou de supériorité, D’opacité ou de transparence héroïque Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots itinéraires, mots de terre. Où suis-je moi entre tous ces pays Toujours à la fenêtre, à la frontière, Toujours en marge et en marche, Toujours grave, Trop grande ou trop petite, Pédante ou perdante, Telle une mouche cognitive Langue de l’arrivée Avec des mots miroirs : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Pas de temps à gagner, Pas de temps à perdre. Où es-tu lieu de naissance, Quand tu deviens seulement voyance Dessin, ligne à plaire et à émouvoir Endroit creux dans la main effrayée, Paysage de passage, débris d’image Vides ou pleins de boue burlesque Au-dessus desquels le peintre a collé Ses fresques de jeune artiste : Dessins, lignes à plaire et à émouvoir, Un dé, un dada, une nounou et des Rendez-vous manqués. Langue du départ Avec des maux de l’autre côté du mot : Amuïs, meurtris, maudits, Mots de terre, itinéraires. Où es-tu lieu mis à nu Avec ton dieu athée noceur Déraciné et de mauvaise humeur, Qui dansait la ronde du néant Ses ailes trop humaines, trop décalées, Esquissant des indulgences d’un nuage à l’autre Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, Où êtes-vous mes jeux d’oublis et de glissements de sens Avec vos borgnes bolcheviks tricolores ? Vos silences et vos larmes de culpabilité Votre mélancolie rouge, en rupture de syllabes, Dont on avait peur d’un souvenir à l’autre. Votre amabilité d’apôtres du néam*, Votre insomnie à vie, acide Où est-ce que vous êtes tous ceux que J’entendais frapper aux portes de mon enfance ? Comme une ode, comme un hymne, Comme une chanson à boire : Avoir ou être, naître ou mourir, Être ou avoir, mourir ou naître, …………………………………… Amnéville, le 8/15 septembre 2009 Rodica Draghincescu D.R. Texte inédit Rodica Draghincescu pour Terres de femmes Triptyques photographiques, G.AdC
|
RODICA DRAGHINCESCU ■ Rodica Draghincescu sur Terres de femmes ▼ → Blé blanc (l’artdurien) → Rienne (lecture d'AP) → Interview de Cécile Oumhani par Rodica Draghincescu ■ Voir aussi ▼ → le site de Rodica Draghincescu → le site Écrire la vie (site de l’atelier d’écriture de la médiathèque Jean-Morette d’Amnéville en Lorraine, atelier animé par Rodica Draghincescu) → l'e-magazine trimestriel Levure littéraire (édité par Rodica Draghincescu) |
Retour au Sommaire de l'anthologie poétique Terres de femmes
Retour à l' index des auteurs
À Rodica qui affûta ma langue de départ
Sur l’essence des bannis
Nul ne sait qu’à Timisoara
il y a moi et crôa : le vol
d’un aspic harnaché de la tête
au piédestal à peines, aboli !
Je mérite un rail d’indignation
vers Stuttgart et ses flocons
de cierge, et promets aux feuilles
mortes : LA LIBERTÉ !
À la gare je rencontre Lazare ;
il me donne ses mains à peine
tachées ; je les lave, les repasse et les passe
- elles me vont comme une gangue,
décorent mon statut de banlieue européenne :
prêtes à ressusciter les mots.
Le flic ubiquiste me demande :
- Carte de séjour !
- Il fait nuit ? (je comprends très vite que les
Lumières ne sont visibles qu’au travers d’un prisme abstrait)
- Pas de carte pas de vers, pas de vers pas d’espoir.
Il me passe des menottes, me blesse ;
quelques gouttes incolores
perlent de mon doigt ;
j’ôte mes veilles mains et lui crie :
« Ceci sera ton sang ! » Je m’enfuis – toujours belle - en bêlant.
Combien de frontières me faudra t-il franchir
Avec pour seul poème des lettres mortes
Qu’aucune feuille - alerte - n’accepte ?
Rédigé par : Jean-François Agostini | 12 décembre 2009 à 12:30
j'aime ! un univers d'écriture étrange et familier à la fois...
Rédigé par : benoit gastou | 13 décembre 2009 à 12:54
Une femme respectée et respectable.
Une auteure qui n’a pas la langue dans sa poche.
Une voie à suivre, telle la Grande Ourse.
Voilà ce que tu es. Voilà ce que tu écris.
Continue d’être qui tu es.
S’il te plaît, sois cette guide des âges, des seuls, des perdus.
Guide-les dans ce voyage littéraire et spirituel.
Comme tu m’as guidée.
Je te dis Merci et à bientôt.
Rédigé par : Séverine Le Burel | 13 décembre 2009 à 15:16
Je suis heureuse de pouvoir enfin lire ta poésie, toi qui lis si souvent la mienne !
Heureuse et enthousiaste car je l'aime tant que j'aime la relire encore.
C'est difficile vois-tu de dire pourquoi on aime un poème ou un texte, alors qu'on trouve facilement les mots pour dire qu'on n'aime pas. Donc "j'aime" un point c'est tout...
Rédigé par : rolande scharf | 15 décembre 2009 à 16:16
Cet exil dans un pays où bat le tam-tam, au réveil, fait danser les os du fleuve les plus muets et les forêts encore vierges de douceurs s'ouvre à tout bon explorateur de vers... L'une de mes naissances, donc le signe renouvelé de mon astrologie s'arc-boute sur le jour où je suis apparu sur les doigts de ta main. Ecrire comme, avec, et pour toi allaite le rêve.Ton poème, un immense jardin de fleurs, un tam-tam qui rassemble tous les folklores d'Afrique...Tu es POETE.
Rédigé par : Hugues Eta | 15 décembre 2009 à 17:38
Merci pour ce magnifique poème qui fait rêver, voyager et oublier le quotidien... C'est une vraie pause, un rayon de l'est dans une journée brumeuse de travail. J'adore !
Merci de me faire voyager et de me faire voir mille couleurs par les mots.
Rédigé par : Christine Delvo | 16 décembre 2009 à 16:36
Magnifique! Cette poésie est pleine de sensibilité, de nostalgie.
Un regard jeté par dessus l'épaule, le coeur serré, une larme qui coule peut-être. Et finalement une naissance ou une renaissance.
Merci pour ces mots, merci pour ta poésie.
Rédigé par : Pierre Vendel | 29 janvier 2010 à 20:31
Félicitations à Rodica Draghincescu! J'aime sa poésie. J'aime son style, j'aime sa sensibilité, j'aime son talent!
Merci pour ce poème!
Rédigé par : Anne-Estelle | 02 février 2010 à 14:41
et cette Vie partie et restée, née, vécue et tant re-demandée tant l'acide des souvenirs remontent à leur surface(s)
tout le texte est bouleversant d'enfance accrochée dont "on" ôte les petits doigts retenus sur une poupée ou aux bras d'une nounou qui s'éloigne s'éloigne ...
tant de frontières-barrières-frayeurs-terreurs de la petite enfance qui comme des cris qui ne s'éloignent jamais suffisamment loin, habitent encore et toujours ton âme et ton corps et te les rendent si beaux et si forts !!!
Merci pour ce texte que je viens de recevoir en plein ventre, en plein coeur, Merci Rodica !
Rédigé par : Marie Aubrée | 02 février 2010 à 17:57
Draga Rodica,
poemul tau vine intr-un moment destul de greu pentru mine intrucit aici comunismul /totaliralismul e in floare atita vreme cat fiica mea e amenintata cu moartea in lumea afaceristilor rezultati dintr-un comunism cum nu a mai fost in niciuna dintre tarile ex-comuniste, iar eu sunt amenintata cu excluderea din Uniunea Scriitorilor Romani doar pentru ca am avut curajul de-ami exprima parerea cu privire la ... ,,o sursa "...
Rédigé par : Niculina Oprea | 02 février 2010 à 19:36
A chacun, à chacune sa recherche d'un ailleurs
Merci à vous, Rodica
Rédigé par : Jacqueline Beaujouan | 04 février 2010 à 18:01
o doamne rodi, ce bine le zici!!! ma ung la inima. cu inima parca ai scris.stiu ca asa faci.scrii cu sufletul tau.carnea poemului striga asa de dureros de frumos. tu esti frumoasa si ai o fiinta asa de frumoasa. je t`adore. daniela
Rédigé par : daniela jivan | 06 février 2010 à 08:27
Cette femme magnifique m'a bouleversée pour longtemps.
Merci pour ce poème, Rodica Draghincescu !
Niculina Oprea
Bucarest
Rédigé par : Niculina Oprea | 06 février 2010 à 11:01
Mon Dieu, Rod, tu le dis vachement bien !!!!!! directement au coeur, c'est avec le coeur que tu as écrit.
c'est ta manière à toi de t'exprimer, de gratter ton ame pour la poésie.
la chair de ton poème crie douloureusement divine, crie, crie........
tu es belle comme ton être, ton être est beau comme toi.
je t'adore.
daniela
Rédigé par : daniela jivan | 11 février 2010 à 00:41
Force, talent, originalité, courage et sensibilité à la fois. J'ai beaucoup aimé; surtout les licences poétiques.
Merci à Rodica, merci à Angèle.
Rédigé par : Cyra | 08 mars 2010 à 14:20
Oui, la poésie de Rodica est magnifique... je suis restée sous le charme et sans mots la première fois que j'ai lu un de ses textes, c'était Blé Blanc, et c'était il y a quelques jours ; restée sans mots car emplie de ses mots, forts, simples, donc prenant en "otage" notre voix intérieure comme pour la libérer, subtils et troublants aussi par la forme, pour nous déboussoler afin que nous relisions, relisions, et encore, jusqu'à embrasser leur trame.
Merci, Rodica, merci Angèle.
Rédigé par : Martine | 18 octobre 2010 à 23:41