
Ph. angèlepaoli
LA TERRE S’ÉVADE
Traversées de pensées
le torrent roule ses eaux lourdes
les fusils claquent dans le soleil
j’invente sous la treille
la fraîcheur de l'aube
et le chant blême de la lune
la tour là-bas
la tour de la mère protectrice
me tient serrée dans ses entrailles
― depuis quand et toujours ―
un chien jappe qui jamais ne cesse
emplit le vallon de sa gouaille
les châtaignes boguent dans la mousse
l'hiver est en suspens à la lisière
l'avant-naître et l'après-
même solitude même silence lent
je cherche l'instant pérenne
qui me détache du passé du futur
équilibre d'absence sur le fil
dans la tiédeur du jour
le vrillement incessant des insectes
je guette les signes avant-coureurs
de l'autre saison
[ les coupes sourdes dans le maquis
les rondins abandonnés
à la clairière neuve
l’odeur de bûche fraîche
le grelot qui rythme les heures
les trouées de trilles dans les chênes
les froissements d'ailes
qui brouillonnent les feuilles ]
la terre remuée s'évade
odeurs d’urine et de moisi
la mer plus proche
mer montgolfière
dure et sereine
monte à l'assaut du ciel
Immobilité du matin.
Angèle Paoli, in Visages de poésie, Anthologie, tome 3, 73, Rafael de Surtis Editeur, Cordes, février 2010.
D.R. Texte angèlepaoli |
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Il y a l'attention que je porte à vos critiques littéraires, celle avec laquelle je lis les poètes que vous mettez en ligne et puis
il y a
votre écriture.
Et là, une femme s'identifie peu à peu, une qui a eu l'audace d'un retour à l'île, pour être fécondée par l'empreinte originaire de cette solitaire retraite. Ces roches solaires, ce village, ce maquis, cette mer si sauvage du Cap Corse y rayonnent. Surgissement dans le langage poétique d'une matière singulière, intime, d'encre et de lumière.
La typographie de vos poèmes, si fragmentée, en délivre la fêlure, comme ces ruines de tours laissées sur le rivage par ceux qui vous ont précédée dans cette Haute Corse.
C'est un temps d'accomplissement, nous offrant une part d'obscurité supplémentaire dans chacune de vos créations. Hôte d'une maison au toit de lauzes, béant dans la lumière matinale, entre ciel et pierres, entre treille et ciel. Flux de mots déroulant les vagues d'une oeuvre où se nomme un monde vibrant d'humanité et de beauté.
Merci Angèle
Rédigé par : Christiane | 29 décembre 2009 à 19:19
Le grand corps des terres. Parfois sa voix s'élève jusqu'aux passants. Sur la corde, tes mots.
Rédigé par : johal | 30 décembre 2009 à 20:44
Chère Angèle,
je suis confuse, et me suis sentie à l'instant très proche de toi.
Peux-tu imaginer que je viens d'écrire pour le première fois depuis de longs mois. Et puis cette écriture m'a donné envie de vous rejoindre sur Terres de Femmes - là aussi, pour la première fois depuis de longs mois.
Et quelle surprise: ton dernier poème est un peu le mien ! Il y a deux mots que j'aime et que j'y retrouve (tour et pérenne). Et notamment le deuxième: je l'ai cherché longtemps, pour le retrouver chez toi.
J'en suis vraiment émue et je voulais te dire que je pense souvent à toi, et que c'est un vrai péché de ma part que de ne pas déposer plus souvent mes offrandes sur l'autel de votre blog.
Je vous embrasse
Emilie
Rédigé par : Emilie D | 31 décembre 2009 à 15:35