Anne Slacik, Blanc (Piero 6), 2008
huile et pigments sur toile de coton, 200 x 142 cm
avec l'aimable autorisation de reproduction d'Anne Slacik
Tous droits réservés
L’AU-DEHORS
Pour Anne Slacik
Tu vis comme vit l’arbre de Piero
dans l’au-dehors
qui n’a pas d’âge
qui ne connaît pas le monde
mais est possédé par sa lumière
elle est si vaste qu’on l’appelle le ciel
l’arbre prononce son nom et
il neige du feuillage
des souffles et des branches
qui disparaissent dans la voix bleue
sûrement le paradis
le jour où tout sera vrai
fugace est l’arbre
une apparition, personne ne crie
douceur amère de la solitude
quand sur la colline passe la couleur
tu dis c’est un signe
il y a assez de vert et tu attends
peut-être l’arbre vole ou est-ce toi
qui rêve son envol et sent ses racines
un peu de terre
de l’eau et beaucoup d’air
qu’emporte l’air, dans l’irréel
brûle le feu de la présence
le nuage pleure, le tronc se dresse
et avec lui tout le perdu
rochers et grotte, fleuve et forêts
bêtes et hommes en détresse
droits dans la langue
de la vision qui t’emporte
mots et regard font du silence
avec un geste qui tout efface
pour faire surgir de la blancheur
de l’abandon, de la mémoire
l’arbre parle en toi
de l’au-dehors
tu es dedans
le paysage avec arbre de Piero
le monde est loin, l’azur est là
un nulle part dans l’espace de la couleur
où vibre le temps
qui l’expire et nous inspire.
Sylvie Fabre G.
D.R. Texte inédit
Sylvie Fabre G. pour Terres de femmes
UN SEUL VOYAGE
Nous naissons de la terre mais la matière du ciel nous habite. Nous avons souvenir de l’eau, de la lumière et notre mémoire est aussi le premier regard, vision portée là-bas, si loin. Il n’y a qu’un seul voyage et il est de commencement.
La direction à suivre, Anne Slacik nous l’indique, par une ligne de couleurs qui nous rend au lieu d’origine, suspendu espace, île d’un pays au Sud, îletalie, où le sol donne sa forme à l'arbre, arrache le blanc au vert, rend les figures de l’air et de la mer en bleu mouillé. Pâleur mêlée de brun, délicats papiers où nous flottons, rêvant l’ombre impalpable du temps. Nous sommes dans la continuité où chaque élément prend sa place par le geste du peintre. Le souffle passe de l’un à l’autre. Qui peut dire si c’est la vague ou le nuage, la feuille ou l’averse qui fait l’étreinte si légère ? Les yeux se posent et le corps tout entier sent la vibration.
Passer à l’étendue et à la profondeur demande autres rives : les toiles et leur dimension pour grandir dans la beauté. Deux ailes battent, ocre ou violet, dans le bleu sombre. Un corps de silence et de solitude se détache. Le jour s’éloigne, il s’échappe de la main en bleu d’outre mer, d’outre vie. Le mystère est d’ombre Tolède, résonance sourde. Nous sommes à l’intérieur de nous. Revenant à l’horizontal, le chiffre trois inscrit la position et l’équilibre en petits tableaux.
Il ne reste qu’à pénétrer le plus intime : le livre peint a sa chambre. Point de rencontre en quinze élans : à chacun son énergie et sa révélation. La calligraphie fleurit singulière dans une couleur singulière. Elle se déploie dans la ferveur et le retrait, complémentaires. Nous avons envie d’ouvrir les mains comme les yeux et de sentir l’enlumination. La réalité du poème, mots et questions, par la grâce du peintre, a trouvé sa forme.
Sylvie Fabre G.
D.R. Texte Sylvie Fabre G.
Le monde d'Anne Slacik se dédouble et s'ouvre, se met en profondeur, ébranlement et frémissement sur les mots-violoncelle de Sylvie Fabre G. L'une et l'autre migrent vers leur attente commune de l'épreuve du réel. Voyage poétique en la chair des toiles de coton où s'immerger dans l'abstraction pure. Inachèvement du désir, de l'ailleurs. Elles s'en-merveillent et se miment, liant rapt et offrande. Les mots glissent comme de l'eau faisant lien transparent entre poésie et peinture. On regarde avec les mots de l'une, on lit avec les touches -lumière de l'autre. Unité d'un monde par la voie du ciel. Du vide, immensité du vide, espace de toutes les mouvances, souffle. Obscurs secrets.
Rédigé par : Christiane | 16 novembre 2009 à 11:02