Jean Dubuffet (1901-1985)
Détail de Joë Bousquet dans son lit, janvier 1947
Huile sur toile, 46,3 x 114 cm.
Museum of Modern Art, New York City
Source
MIDIS
I. OCCITANE
La trêve est rompue. La flamme plus vaste s'avance, par les quatre voies, avec la soie, les voyantes, sous ce ciel inégal : bruit du soir ici-bas déployé, sur nos bouches reconnaissantes, et de tous côtés, où traînent nos clefs, nos chaînes, nos foules.
(Ailleurs, c'est de face que nous regardions l'ancienne science. Nous étions trop sauvages. Le monde qui émerge paraît insoupçonnable.)
Rien n'est perdu, de qui s'éparpille. Les enfants peuvent s'approcher. L'alliance se renoue.
Bientôt commencera la vraie bataille, soudée, reprise, rougissant sous tous les oriflammes.
II. VENT D'AUTAN
Le crépuscule éperdument effrangeait ses griffures essaimant en jeux obliques, en torches d'ombre, corrompant peu à peu le silence, le grand ciel incurvé, balayé par la sauvagerie, rabaissant l'argent terni des oliviers, couchant les cyprès, faisant virevolter les pétales d'amandier. Ni norme ni absolu, tous les écarts sont permis, là où tout s'enchevêtre, se confond, distances, angles, volumes, en cette orée du monde parée de fauve et de safran, où le brouillard du coup renaît, où les traces s'effacent, le monde autour se cabrant, s'affaissant, vacillant, glissant en cette nappe d'obscur que le soir mue en or liquide, limbes que seule la prémonition des rumeurs vient sceller...
Inlassablement tu fais de nos questions réponse, sûr de n'avoir su apprendre que ce que de tout temps tu savais ; aide-nous à oublier le doute, oublier de n'avoir choisi d'être que ce qui dans la dissémination nous retrouve, la main un peu froide nous conduisant par de singuliers méandres au lieu où elle s'efface nous laissant à jamais seuls, murmure sans trace, par-delà les galets, les aimants, les remous, jusqu'à l'enfer de la trop longue parole, toujours apprivoisant, toujours égarant...
III. MARINE SÉTOISE
Tu te jettes dans l'éveil, tu tutoie les épaves – comme d'autres cette proche escale à ton flanc incarnée.
Car c'est hors torpeurs que tu veux diviser, rassasier cette lente asphyxie rocailleuse, et partout les déployer : elle, et ce qu'il faut de conques attentives pour se répandre dans la mort enfin nouvelle.
IV. BOUSQUET
Nous sommes comme toi. Respirant. Rien de plus.
Au même voisinage, dévissant cet orgueil, cette exigence, jusqu'aux lies.
André Rougier
D.R. Texte André Rougier
JOË BOUSQUET Voir aussi : → (sur Terres de femmes) Décembre 1938 | Lettre de Joë Bousquet à Poisson d’or → (sur Terres de femmes) Joë Bousquet/Passer → Serge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet (lecture d’AP) |
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Un lundi comme l'attente...
Qu'aurait-il dit en ce lundi, à lui dédié ?
Peut-être comme dans Le Passeur s'est endormi :
"Mon coeur était dans un monde où je n'avais pas la force de le suivre. Ma douleur, c'était de voir les choses avec les yeux de celui que je n'osais pas devenir.
[...]
Aimer, disions-nous, c'est effacer ce qui sépare le croire du créer.
[...]
Je crois que ce qui nous advient est un aspect de ce que nous sommes. le temps sait notre coeur comme s'il en était l'ombre ; il monte avec nous dans le char du songe.
[...]
Résigne-toi à me voir toujours inquiet : j'ai besoin de ces incertitudes pour être moi."
C'est un lundi. Il pleut des mots mouillés. Vos écritures, à tous deux, sont obscures car illimitant le temps par trop de douceur montante.
Rédigé par : Christiane | 02 novembre 2009 à 17:55
Merci pour ces textes qui dérangent un monde trop plat...
Rédigé par : nadege vidal | 03 novembre 2009 à 06:04