Victor Brauner,
Portrait d'André Breton, 1934
Huile sur toile
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
Don de Aube Breton-Elléouët et Oona Elléouët (2003)
Source
Paris, 29 novembre 1948
Comment va ma petite Aube chérie ? Toujours heureuse ? Mon petit loup à qui je n’ai pas écrit depuis tellement longtemps. Mais j’ai relu bien souvent tes lettres, qui étaient tout à fait comme je les espérais, donnant beaucoup de détails sur ta vie et ainsi je pouvais te suivre de très près quoique de si loin. Ça me rappelle aussi que je devais t’envoyer des livres français : je ne vais plus tarder maintenant. Je suis si content que tu aimes lire. Si seulement je savais un peu mieux quel genre d’ouvrages t’intéresse le plus : veux-tu me le dire ? Je pense que tu vas bientôt être en vacances : est-ce que tu t’ennuies beaucoup du tout petit Merlin* ? Jacqueline viendra-t-elle te chercher à Roxbury ? N’oublie pas, mon petit chéri, de me dire comment a été pour toi ce début d’année scolaire : crois-tu que tu as appris beaucoup de choses ? En quoi as-tu brillé particulièrement ? Est-ce que là-bas il t’arrive de parler un peu français ou pas du tout ? Comment as-tu été notée dans l’ensemble ?
Ici la vie continue à se dérouler comme tu la connais. Il y a toujours beaucoup de monde autour de moi. Élisa est bien contente parce que sa grande amie Julia doit arriver prochainement à Paris et qu’en janvier, sa sœur Cora (la sœur d’Élisa) sera là aussi avec ses enfants. Il y a toujours des réunions le lundi au café de la place Blanche, auxquelles celui qui se réjouit le plus d’assister est Uli, pour qui le seul mot de « café » est magique. Lui n’a pas changé non plus, un peu plus agressif qu’autrefois tout au plus, mais charmant tout de même. Je vais tous les samedis matin à la foire aux Puces avec Péret, qui n’a toujours pas trouvé d’appartement mais se plaît mieux à Paris qu’au Mexique.
Écris-moi encore, mon petit enfant, et bien vite. (Ton grand-père est si triste que tu l’aies tout à fait oublié.)
Élisa t’envoie ses pensées les plus souriantes et les plus tendres. Je t’embrasse, ma petite Aube, comme si tu me revenais pour toujours.
ANDRÉ
Enveloppe : à Miss Aube Breton, The Hickory School, Putney,
Vermont, U.S.A.
André Breton, Lettres à Aube, 1938-1966, Éditions Gallimard, 2009, page 36. Présentées et éditées par Jean-Michel Goutier.
* Hare, Merlin Meredith [1948, New York]. Fils de Jacqueline Lamba et David Hare.
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