Il n'y a plus de ténèbres aux seuils, de feu aux moissons, de tourmente aux remparts. La roue seule tourne, jusqu'aux lies. La vipère, gueuse, gerbeuse, enfin transperce des masques l'enjeu, des doutes le fiel. L'éclair qui l'enchâsse nous rajeunit. Il fut tel que tu t'imagines.
Tienne l'heure âpre, l'opaque gagé sur ses seules crues, lui en qui luit la proue, ni assourdie ni déliée, qui forge des graines les sédiments et les surprises...
C'est l'éloignement qui te déchire, pas ses phases, cet horizon
qui accueille le Même comme surprise, jamais comme filiation...
Tu dis cela comme s'il n'y avait pas eu le départ, les années de silence et ces pertes mesurées à l'aune des temps, puis les figures de cire, dans cette paix pire que toute guerre, cernée de feux follets, rongées par les creux, muettes à force de louanges, de souhaits...
Je voudrais que cette nuit qui sans toi s'ébruite se fasse enfin transparente comme l'exil, toi qui toujours sus qu'un seul nid rarement suffit à tout souiller, du passeur du lac comme de l'écorce des proies...
L'avènement de l'humain exige pour sûr l'abandon et le départ, mais aussi l'ancre et la racine, l'assurance d'avoir forgé, la joie d'avoir soupesé, l'agilité d'enfin pressentir les autres comme ceux à qui l'on confiera désormais le gîte du monde…
André Rougier
D.R. Texte André Rougier
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"Le gîte du monde" ? Il est de ces terriers qui sont abandonnés, de ces bêtes furtives qui courent dans la nuit, de ces rapaces qui plantent leur bec acéré dans la tendre chair de l'innocence. Ainsi les déchirures, les incompréhensions, les solitudes à deux au bord des ruptures. Ces mélancolies quand nous viennent des sortilèges de ce qui a été, de ce qui aurait pu être et qui s'est perdu, comme on perd son gîte. Il reste les courses folles au ras des herbes de nuit et ce temps de pesante étreinte sur "l'ancre" de nos vivres, jusqu'à mettre la joie au pressoir et en tirer un vin de solitude et de douce griserie. Très beau texte fouaillant comme une lame dans la chair de nos opacités.
Rédigé par : Christiane | 13 octobre 2009 à 06:32