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DES PETITES FILLES QUI RIENT DANS LE SOLEIL
Existe-t-il encore des petites filles ? Cette interrogation surgit à l'improviste parmi les publications de la rentrée, avec la découverte de ce Petit éloge des petites filles, signé Eva Almassy.
À lire cet « inédit » d'Eva Almassy, bien des images oubliées refont surface qui renvoient la lectrice que je suis à un monde d'un autre temps. Que savons-nous encore des petites filles ? Qui sont-elles au juste ? Quel univers est le leur ? Ma curiosité est doublement attisée. Par l'illustration, d'abord : des petits pieds nus perdus dans des talons aiguilles trop grands. Les petites filles de jadis mettaient leurs pas dans ceux de leur mère. En est-il toujours ainsi ? Par le genre littéraire choisi qui est celui de l'éloge. Les petites filles sont-elles à ce point en voie de disparition qu'il faille les remettre sur le devant de la scène par le biais de l'éloge ?
Faire l'éloge de ces petites personnes ? Comment s'y prendre pour ne pas « les enfermer dans la cage de la grâce, l'esthétisme, la seule perfection physique » ? Dès la première page de cet opus ― bref mais riche d'analyses inattendues et originales, de références littéraires, de contes et de comptines, de témoignages et de mots d'enfants, de dialogues et de mythes ―, Eva Almassy écrit : « Je me demande si en faisant leur éloge je ne les traite pas moi aussi comme une proie, à trop vouloir les défendre ». Mais la question qui domine, celle à laquelle sont annexées toutes les autres, est la suivante : ces petites filles, qui sont-elles ? Quelle est leur spécificité ? À partir de quand devient-on une petite fille ; et surtout, jusqu'à quel âge le demeure-t-on ? Où se situe le « seuil fatal » ? Celui dont elles vont s'éloigner et d'où viendra l'oubli de ce qu'elles ont été.
Pour tenter d'approcher l'univers mystérieux de ces étranges petites personnes, c'est l'intime qu'il faut explorer. Car non seulement « l'intime est superlatif mais la petite fille est le superlatif de ce superlatif qu'est l'intime. » Du reste, aux yeux de l'auteur, « la petite fille incarne la plus grande intersubjectivité. » Qui fait d'elle un être qui « comprend les sentiments complexes, les formes presque grammairiennes de la vie quotidienne », et ce, dès son plus jeune âge. Un être à part, pourtant défini comme « à peine plus intelligent que les autres ». Mais aussi, selon l'analyste jungienne Clarissa Pinkola Estès, poète et cantadora, un être à qui l'on apprend, très tôt, « à se soumettre au prédateur. » « Purement et simplement » [souligné en gras par Eva Almassy]
En cinq chapitres ― ÊTRE/ SAVOIR/VRAIES PRINCESSES/ FILLES D'ÈVE/ INVITÉS, eux-mêmes subdivisés en sous chapitres ―, Eva Almassy se livre avec dextérité et humour à une exploration minutieuse et drôle des champs très divers où règnent ces magiciennes des « cinq continents qui peuplent la terre de rires d'oiseaux en tissant autour de leurs millions de doigts des berceaux de chat avec d'infinies ficelles. » Voilà, poétiquement, ce qu'elles sont. Au-delà, il y a ce qu'elles ont : « de l'être en quantité illimitée, une infinie multiplication ». Car la petite fille détient en elle, dès sa naissance, « la puissance de donner un jour la vie. » « À des enfants des deux sexes. »
Comment un esprit feu follet comme celui d'Eva, tout imprégné d'enfance et d'espièglerie, aurait-il pu résister longtemps encore au désir de se pencher sur ces « princesses » que sont les petites filles ? Éminente conteuse et passeuse de récits fondateurs, Eva Almassy traverse époques et espaces pour aller au-devant de toutes les petites filles de rêve qui continuent de l'habiter. Sans doute parce que le « manque » d'enfant se confond en elle avec « la nostalgie » qu'elle a de l'enfance. Mais elle le fait avec la grâce de l'enfance, avec cette légèreté touchante, cette souplesse qui caractérise les entrechats des petites filles qui rient dans le soleil.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
C'est passionnant et extrêmement suggestif pour moi.
Je pense à ces photos où l'on voit l'enfant dans une robe légère, presque un chiffon tendre, une main retenant les cheveux envolés, l'autre serrant derrière le dos un nounours , un doudou, une poupée... et tout ce terrifiant et attirant mirage de la haute mer devant, qui emporte les rêves et les engloutit dans l'impénitence irrésolue.
Cela donne envie de s'asseoir par terre, sur le sable, et y planter des racines pour redevenir arbre séculaire avec des fruits au Printemps...
http://www.youtube.com/watch?v=4gVhDD-pz8o
Rédigé par : Mth P | 18 septembre 2009 à 08:26
Les petites filles d'aujourd'hui ne mettent pas forcément leurs pas dans ceux de leur mère. Elles sont plutôt à leurs côtés. Elles discutent avec elles de manière assez étonnante, avec maturité. Je pense que cela vient du fait que, de nos jours, les enfants sont bien plus impliqués dans la vie des adultes que ne l'étaient les générations précédentes. Ils sont mêlés à la vie, tout simplement. Les petites filles restent coquines, elles savent plaisanter. L'occasion leur est donnée de s'ouvrir dès leurs toutes premières années. Je ne les crois pas en voie de disparition. Et l'éloge simplement physique me semble réducteur. Ma petite nièce de 8 ans est capable de donner son avis sur des sujets graves, de jouer à la guitare un petit air que son grand-père fredonne. Cela donne lieu à des moments délicieux. Je crois que les adultes, les mères en particulier, donnent de nos jours aux petites filles l'occasion de s'affirmer très tôt en favorisant leur ouverture à une éducation très variée. Evidemment, ceci est valable pour notre civilisation occidentale.
Tu verras Angèle, tout le bonheur que Colomba et Alma vont t'apporter.
Amicizia
Christiane
Rédigé par : christiane laggi | 18 septembre 2009 à 14:05
Christiane/Mth
Etrange ! Vos deux commentaires me laissent à penser que vous n'avez pas eu la même perception de ma propre lecture. Sans doute n'ai-je pas su donner à ma note toute sa précision ou sa rigueur. Le mieux, c'est que vous lisiez cet éloge pour en apprécier toute la portée.
Je l'ai d'ailleurs conseillé à ma fille.
Bises à toutes deux, mes amies de Marseille et de Lyon.
Rédigé par : Angèle Paoli | 19 septembre 2009 à 19:44
Merci, Angèle.
Ce petit livre, en réalité, aura été très difficile à faire. Je m'en explique dans les derniers chapitres, mais il reste tant de choses à dire, de mes raisons en particulier et des petites filles en général. Ou plutôt le contraire. Quoi qu'il en soit, j'ai créé un blog qui peu à peu complètera - corrigera ? - le livre.
Vous êtes les http://elogedespetitesfilles.blogspot.com/>bienvenues.
Anciennes petites filles, petites filles de toujours.
Rédigé par : Eva | 12 octobre 2009 à 21:16