VICINO AL FARO
Attraversa il vento labirinti di nulla, muri bassi
di pietre secche dove sali
di mare e di terra si confondono. Ti sorprendi
che l’immenso cammino dell’aria sotto il cielo
possa tracciare così fini ricami sulle mille
scabre schegge d’arenaria o inanellare
danze su questa arsa isola che dedali
di pazienti fatiche innalza. Vicino al faro
si apre in bassi scogli la piana. Un’altra
isola a occidente segna appena
una pausa dello sguardo ma sai bene
che al vento sottrae soltanto una nascosta
rada con poche sbigottite barche. Al di là
non sapresti se cercare
altre isole ancora o altri mari ; altro da queste
secche pietre che inutilmente chiudono
ombre e forse qualche piccolo rettile
guizzante e si lasciano ingannare
dal vento che le accarezza e intanto
le consuma ; altro da te come una provvisoria
— ma profonda — conoscenza che l’animo investe
con raffiche ineguali e passa, ma intanto
ha trasformato ciò che sei, ciò che pensi.
Ora vicino al faro si condensa
una foschia che fa sentire
acqua salata sulla pelle, che ti fa
animale marino, che ti unisce
a ciò che poco prima per un attimo
ha attraversato la tua mente, che profonda
te nel libero
divenire di ogni cosa e ti dà senso.
Michele Tortorici, La mente irretita, Manni Editori, San Cesario di Lecce, 2008, page 16.

Source
PRÈS DU PHARE
Le vent traverse des labyrinthes de néant, des murs bas
de pierres sèches où les sels
de la mer et de la terre se confondent. Tu es surpris
que l’immense chemin de l’air sous le ciel
puisse tracer de si fines broderies sur les mille
éclats rugueux de grès ou nouer
des danses sur cette île brûlée qui érige
des dédales de patientes fatigues. Près du phare
s’ouvre en bas des récifs la plaine. Une autre
île à l’ouest marque à peine
une pause du regard mais tu sais bien
qu’elle ne fait que soustraire au vent une rade
cachée et quelques barques affolées. Au-delà
tu ne saurais s’il faut chercher encore
d’autres îles ou d’autres mers ; autre chose que ces
pierres sèches qui vainement enferment
des ombres et peut-être quelque petit serpent
frétillant, et se laissent abuser
par le vent qui les caresse et en même temps
les dévore ; autre chose que toi comme une provisoire
— mais profonde — connaissance qui assaille l’esprit
par rafales irrégulières et qui passe, mais en même temps
a transformé ce que tu es, ce que tu penses.
Maintenant près du phare se condense
une brume qui rend sensible
l’eau salée sur la peau, qui fait de toi
un animal marin, qui t’unit
à ce qui juste avant, pour un instant,
a traversé ton esprit, qui te plonge
dans le libre
devenir de toute chose et te donne un sens.
Michele Tortorici, La Pensée prise au piège, éditions vagabonde, 2010, pp. 25-27. Traduction de Danièle Robert.
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NOTE d’AP : début juin 2009 a paru, dans la revue semestrielle marseillaise Il particolare, n° 19/20, une importante anthologie (dix poèmes) du recueil La mente irretita [La Pensée prise au piège] de Michele Tortorici. Dans une traduction de Danièle Robert (voir à ce sujet la recension de Ronald Klapka sur le site de la revue Sitaudis, et le site de Michele Tortorici). La version française (édition bilingue) de La Pensée prise au piège a paru aux éditions vagabonde (13001 Marseille) fin septembre 2010. Traduction et préface de Danièle Robert.
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE (rédigée par Danièle Robert)
Né à Trapani (Sicile) en 1947, Michele Tortorici a d’abord enseigné les lettres dans le secondaire. Il a dirigé et co-écrit une Histoire de la littérature italienne (Storia della letteratura italiana nell’orizzonte europeo) en 1993 ainsi que de nombreux articles et essais sur la littérature, l’art et la culture. Il travaille actuellement à Rome où il s’occupe plus particulièrement de logique hypertextuelle et des moyens de communication numériques.
Son premier recueil de poèmes, La mente irretita (La Pensée prise au piège) a paru aux éditions Manni en 2008 (trad. fr., éd. Vagabonde, septembre 2010) ; il regroupe des textes écrits entre 2002 et 2007, dont l’ensemble se déploie selon trois thèmes directeurs : d’abord La vita dell’isola, évocation de Favignana, la principale des îles Égades situées à l’ouest de la Sicile ; c’est là le berceau familial. À l’opposé, l’évocation par fragments et en touches discrètes de certaines villes qui comptent beaucoup pour lui, à des titres divers : Bologne, Turin, Gênes, La Spezia, Venise, New York : Fermate di città. Entre les deux, un ensemble de rêveries, de souvenirs, de réflexions mettant parfois en scène des êtres ou des objets qui forment la trame de sa vie : Come ogni giorno.
En mai 2009 a été publié aux éditions Campanotto un nouveau recueil de quatre poèmes intitulé : I Segnalibri di Berlino - Berliner Lesezeichen, avec une traduction allemande de Giangaleazzo Bettoni. En 2010, Versi inutili e altre inutilità chez Edicit, et en 2012, Viaggio all’osteria della terra chez Manni Editori.
La musique de Michele Tortorici saisit le lecteur dans une infinie douceur, l’enveloppe, l’entraîne dans ses rythmes, ses ruptures, ses vagabondages joyeux ou mélancoliques, la pureté de son phrasé. Profondeur de la réflexion, poésie de l’intime qui donne à penser avec retenue, élégance et délicatesse. Un mot magnifique de la langue italienne résume l’ensemble de ces qualités : Morbidezza.
La Pensée prise au piège de Michele Tortorici sort ces jours-ci aux éditions Vagabonde. Traduction et préface de Danièle Robert. On peut d'ores et déjà lire cette préface sur le site des éditions Vagabonde.
Rédigé par : Agenda culturel de TdF | 21 septembre 2010 à 19:43