La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe
à travers les barres, les grilles
Ph., G.AdC
LA POÉSIE
La poésie ? Un pur travail de langue, une défaite de la pensée, le développement d’une exclamation, une adhésion au monde, une tour d’ivoire, un cœur frappé, un jeu intertextuel, une production sous contrainte... La poésie peut être tout cela, tour à tour, avec plus ou moins de ceci ou de cela selon chaque poète, chaque poème. « Art poétique nuisible à la poésie, dangereux en tout cas pour elle. Nous savons trop bien ce que nous devrions faire » (Jaccottet). La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe à travers les barres, les grilles. « Le sens ce n’est pas ce que cela veut dire, c’est ce vers quoi ça va ― qui est la raison d’être d’accumuler des livres sans doute, pour que le mouvement reste vif ― on ne sait pas » (B. Noël). La poésie, c’est l’air, le souffle qui passe dans la carcasse des mots morts du poème, et bruit encore un peu, ou sifflote ou chantonne. Rien de plus que de l’air qui passe dans les tuyaux des mots, de l’air frais qui touche. Partant de là, on peut également considérer des démarches qui visent à faire chanter, ou déchanter, ou enchanter... La question est bien moins celle du but à atteindre que celle des moyens : rapports au réel et à la langue, implication de toute la personne (y compris sa mémoire personnelle et culturelle), clarté de la nécessité du poème à travers ses choix d’écriture... Pour autant qu’il y ait « choix », ce que je ne crois guère ; il serait plus juste de dire que nécessité fait choix. On ne peut demander à un poète que d’écrire aussi loin qu’il le peut dans l'espace qu’il s’est taillé dans la langue commune. Ce faisant, il est tout à fait possible qu’il dépasse notre capacité d’écoute, ou même d’entente ; cela n’invalide pas la tentative, si celle-ci était mue par autre chose qu’une pure vanité d’auteur. « Il faut aller jusqu’au bout, même pour ne pas vaincre » (Reverdy).
Antoine Emaz, Lichen, encore, Éditions Rehauts, 2009, pp. 92-93.
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"écrire aussi loin qu'il le peut dans l'espace qu'il s'est taillé dans la langue commune"
(J'avais gardé un bon souvenir déjà de Lichen,lichen.)
Rédigé par : PhA | 30 août 2009 à 10:26