Ph., G.AdC
Le 21 août 1995
L’été piétine et frappe la pente. Il sème un jaune blanc de litière, de jonchées de paille. Un foin rare, écrasé dans sa couleur, recuit sous le bétail. Des jetées d’épis concassés mettent au jour, à fleur de peau, la fibre battue de la colline. Un été de tannerie et sa vannée de soleil se répandent en épluchures sous le blanc pâle-sec d’un ciel couvert à force de chaleur.
Les bêtes font le nécessaire, le font à la perfection.
Et nous, qui tentons d’oublier le moins possible, altérons l’énigme par nos œuvres circulaires, douloureuses, mal réminiscentes.
Nous partageons sans doute avec elles l’ineffaçable incrustation des moments puissants qui laissent leur empreinte dans nos mémoires. Souvenirs décisifs, repères comprimés, embolies indécorticables : ils balisent nos existences.
L’écrasante saison, les oiseaux rares, l’amandier en papillotes vert-jaune vif avec ses clochettes de couleurs fraîches, la prairie bottelée.
L’araignée du beau temps a étendu sa toile comme si rien que de l’imprévisible devait venir.
Semblable au poème travaillant à tendre la main à sa famine, au butin cruel de son renouvellement, à la toupie de son complot.
À la préparation de l’orage.
Nicolas Pesquès, La Face nord de Juliau, trois, quatre, André Dimanche Éditeur, 2000, page 84.
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