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EPYΣIXΘΩN
πού єίναι το χώμα;
πού єίναι το χάδι;
γєύση από πέτρα
μovάχα χύvεται
μες στην ψυχή
ω Δήμητρα
εγώ πεινώ για εαυτό
στάχυ σφοδρό σαν ξύπνημα
και συ με ρίχνεις
στο κορμί
ψίχουλο που περίσσεψε
από της γης
το φτωχικό τραπέζι
ακούω σύγκορμος
τα γοερά σου αισθήματα
σε κυρίεψε η ζωή
σε θόλωσε ο θάνατος
πίσω από την ύπαρξη στέκεις
καθώς ο φοβισμένος
πίσω από του σπιτιού του το κατώφλι
άφησέ με να βγω
απ’αυτήν την άπορη γεύση
ρίξε απάνω μου αλύπητη πείνα
να καταπιώ σα χείμαρρος
την αυθαίρετη ξωή μου
ERYSICHTON
où est la terre ?
où est la caresse ?
seul un goût de pierre
emplit
mon âme
ô Déméter
la faim s’empare de moi
épi rude comme un éveil
et toi tu me jettes
au corps
comme une miette tombée
de la table modeste
du monde
j’écoute de tout mon corps
tes sentiments plaintifs
la vie t’a envahie
la mort t’a bouleversée
tu te tiens en retrait de l'existence
comme quelqu’un d’apeuré
derrière le seuil de sa maison
laisse-moi sortir
de ce goût insoluble
jette sur moi une faim impitoyable
que j’engloutisse comme un torrent
ma vie arbitraire
Vangelis Kassos, Αδιαπέραστο Φως/Lumière impénétrable [Ίνδικτος, Athènes, 1998], L’Oreille du Loup, 2009, pp. 52-53. Traduction du grec par Ioannis Dimitriadis.
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NOTE DE L’ÉDITEUR ET DU TRADUCTEUR
ERYSICHTON
Selon le mythe, Erysichton était fils de Triopas, roi de Thessalie. Pour avoir abattu les arbres sacrés du bosquet de Déméter, il fut condamné par la déesse à une faim insatiable qui l'amena à dévorer son propre corps.
la faim s’empare de moi : phrase de Nietzsche tirée de Ainsi parlait Zarathoustra.
et toi tu me jettes / au corps / comme une miette tombée / de la table modeste / du monde : à l'origine de ces vers se trouve la phrase de saint Jean de la Croix : « Nous apprenons que tous les êtres sur terre sont des "miettes" tombées de la table divine ».
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VANGELIS KASSOS
 Source
Vangelis Kassos est né en 1956 à Karditsa (Grèce) et vit à Athènes. Figure majeure de la poésie grecque contemporaine, il a publié plusieurs livres de poèmes : Petites Daines (Μικρές Δορκάδες), 1979 ; Voluptés nocturnes d’un immigré (Η νυχτερινή ηδυπάθεια ενός μετανάστη), 1981 ; Au pied du silence (Στα ριζά της σιωπής), 1984 ; L’expérience de la mort (Η πείρα του θανάτου), 1989 ; Lumière Impénétrable (Αδιαπέραστο φως), 1998 ; ainsi que des essais sur la poésie comme L’Étouffement du regard ou L’Interminable Fin. Il a par ailleurs traduit en grec des œuvres d’Ezra Pound et de Paul Valéry, ainsi qu'Aurélia de Nerval.
■ Vangelis Kassos
sur Terres de femmes ▼
→ Les pieds de l’amertume (un autre poème extrait du même recueil)
■ Voir aussi ▼
→ (sur ainigma.net) Cent poèmes (Εκατό ποιήματα), de Vangelis Kassos, traduits en français par Ioannis Dimitriadis (Athènes, novembre 2012)
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Michel Volkovitch, à la fin de son essai Elle, ma Grèce (texte diffusé électroniquement par publie.net), écrit ces lignes après sa rencontre avec la poésie grecque :
"Je n'avais pas encore totalement vécu, une partie de moi restait dans les limbes. La lumière grecque aveuglante m'a ouvert les yeux ; m'a développé, comme une espèce de chambre noire inversée.
Ce fut exaltant et cruel comme une initiation, dangereux et salvateur comme une opération à coeur ouvert..."
Ainsi en est-il de cette rencontre avec Vangelis Kassos, ainsi en est-il de la rencontre, vécue dans Terres de femmes, avec la langue âpre et éblouissante des poètes.
Rédigé par : Christiane | 09 juillet 2009 à 13:19
Formidable découverte,
merci.
Rédigé par : johal | 09 juillet 2009 à 21:41