Source
AHÍ NOMÁS
En el manso dolor que te perturba
cuando asumes lejano cómo vibra o jadea
la inocencia del otro
en la desolación convertida en crisálida
en el silencio lleno de palabras nonatas
en el hueco de llanto inmerecido
en tu ausencia de dioses
en la asunción de tus mejores miedos
en tus cenizas de utopía
en tu fe de a pesar / de sin embargo
ahí nomás
precisamente ahí
se oculta / resiste / permanece
la caverna profunda / inexpugnable
que algunos / unos pocos
dicen que es la conciencia
Mario Benedetti, El olvido está lleno de memoria (1995), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 456.
JUSTE LÀ
Dans la paisible douleur qui te perturbe
quand tu saisis au loin comment vibre ou halète
l’innocence de l’autre
dans la désolation muée en chrysalide
dans le silence plein de mots non-nés
dans le creux des pleurs immérités
dans ton absence de dieux
dans l’acceptation de tes meilleures peurs
dans tes cendres d’utopie
dans ta foi de malgré / de toutefois
juste là
précisément là
se cache / résiste / demeure
la caverne profonde / inexpugnable
que certains / quelques-uns
disent être la conscience
(traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)
NO SÉ QUIÉN ES
Es probable que venga de muy lejos
no sé quién es ni a dónde se dirige
es sólo una mujer que se muere de amor
se le nota en sus pétalos de luna
en su paciencia de algodón / en sus
labios sin besos u otras cicatrices /
en los ojos de oliva y penitencia
esta mujer que se muere de amor
y llora protegida por la lluvia
sabe que no es amada ni en los sueños
lleva en las manos sus caricias vírgenes
que no encontraron piel donde posarse /
y / como huye del tiempo / su lujuria
se derrama en un cuenco de cenizas
Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 244.
JE NE SAIS QUI ELLE EST
Il est probable qu’elle vienne de très loin
je ne sais qui elle est ni où elle se dirige
c’est seulement une femme qui se meurt d’amour
on le remarque à ses pétales de lune
à sa patience de coton / à ses
lèvres sans baisers ou autres cicatrices
à ses yeux d’olive et de pénitence
cette femme qui se meurt d’amour
et pleure protégée par la pluie
sait qu’elle n’est pas même aimée dans les rêves /
elle tient dans ses mains ses caresses vierges
qui ne rencontrèrent aucune peau où se poser /
et / comme elle fuit du temps / sa luxure
se déverse en une terrine de cendres.
(traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)
PAPEL MOJADO
Con ríos
con sangre
con lluvia
o rocío
con semen
con vino
con nieve
con llanto
los poemas
suelen
ser
papel mojado
Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 257.
PAPIER MOUILLÉ
par des fleuves
par du sang
par de la pluie
ou de la rosée
par du sperme
par du vin
par de la neige
par des pleurs
les poèmes
ont coutume
d’être
du papier mouillé
(traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)
RINCÓN DE HAIKUS
(1999) (Extraits)
1.
si en el crepúscolo
el sol era memoria
ya no me acuerdo
9.
pasan misiles
ahítos de barbarie
globalizados
11.
las hojas secas
son como el testamento
de los castaños
14.
los sentimientos
son inocentes como
las armas blancas
17.
son manos locas
de pianista o de herrero
las que nos hablan
19.
los dos ladrones
miraron a jesús
y se miraron
41.
el exiliado
se fue adaptando al tedio
de la nostalgia
43.
la caracola
me deja en el oído
viejos pregones
63.
cuando anochece
se estremecen los pinos
y no es de frío
76.
por este puente
transcurren ilusiones
y contrabandos
94.
cuando uno viaja
también viaja con uno
el universo
95.
sólo el murciélago
se entiende con el mundo
pero al revés
107.
una campana
tan sólo una campana
se opone al viento
122.
nos van dejando
sin árboles sin ubres
sin fe sin ríos
148.
el árbol sabe
de quién es cada paso
de quién el hacha
172.
la poesía
dice honduras que a veces
la prosa calla
188.
sé de un ateo que en las noches rezaba
pero en francés
195.
qué astuto el mar /
si antes hubo sirenas
quedan las colas
201.
cuántos semáforos
para encontrar la senda
del viejo crepúscolo
219.
llego alelado
a este final de siglo
qué encontraremos
224.
y aquí termino
sin hacer sombra a nadie
ni descuidarme
Mario Benedetti, Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), pp. 153-197.
LE COIN DES HAÏKUS
1.
si au crépuscule
le soleil était mémoire
déjà je ne m’en souviens plus
9.
des missiles passent
rassasiés de barbarie
globalisés
11.
les feuilles mortes
sont comme le testament
des marronniers
14.
les sentiments
sont innocents comme
les armes blanches
17.
ce sont des mains folles
de pianiste ou de forgeron
celles qui nous parlent
19.
les deux brigands
regardèrent jésus
puis se regardèrent
41.
l’exilé
s’adapta à l’ennui
de la nostalgie
43.
la conque
me laisse dans l’oreille
de vieux discours
63.
quand la nuit tombe
et pas de froid
76.
par ce pont
traversent des illusions
et des contrebandiers
94.
quand on voyage
voyage aussi avec nous
l’univers
95.
seule la chauve-souris
s’entend avec le monde
mais à l’envers
107.
une cloche
seule une cloche
s’oppose au vent
122.
on nous laisse
sans arbres sans nuages
sans foi sans fleuves
148.
l’arbre sait
de qui est chaque pas
de qui la hache
172.
la poésie
dit des profondeurs que parfois
la prose tait
188.
je sais d’un athée
qu’il priait la nuit
mais en français
195.
quelle malicieuse, la mer /
si autrefois il y eut des sirènes
restent les queues
201.
combien de feux rouges
pour rejoindre le sentier
du vieux crépuscule
219.
j’arrive hébété
à cette fin de siècle
que rencontrerons-nous
224.
et je termine ici
sans faire d’ombre à personne
ni me négliger
(traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
(établie par Nathalie Vuillemin)
Mario Benedetti est né à Paso de los Toros (Uruguay) le 14 septembre 1920. Après avoir pratiqué divers petits métiers, il s’engagea parallèlement dans une carrière d’écrivain et de journaliste. Son premier recueil de poèmes (La visepra indeleble) est publié en 1945. Depuis, Mario Benedetti a publié plus de cinquante ouvrages : romans, nouvelles, théâtre, essais, et surtout poésie. Ce dernier genre est, pour Benedetti, l’expression de la vie quotidienne, dans ses interrogations les plus intimes comme dans les événements les plus concrets. La poésie de Benedetti témoigne notamment de l’expérience de l’exil qu’il subit pour des raisons politiques entre 1973 et 1986.
Nombre de textes poétiques de Benedetti sont destinés à la chanson ; des artistes tels que Daniel Viglietti, Nacha Guevara, Joan Manuel Serrat, entre autres, les ont mis en musique. Convaincu que la poésie pouvait être un art vivant, adressé à toutes les générations et à tous les individus, quel que soit leur degré de formation, Benedetti fut également un poète-acteur et présenta des lectures de ses textes à de nombreuses occasions, aussi bien en Amérique latine qu’en Europe. En 1992, Eliseo Subiela a réalisé, sur un scénario construit à partir de poèmes de Benedetti, le film El lado oscuro del corazón, dans lequel le poète fait une brève apparition.
Mario Benedetti est décédé le dimanche 17 mai 2009 à Montevideo. Le même jour, selon ses vœux, est née la fondation Mario Benedetti ; son objectif est de réunir et publier l’ensemble de son œuvre inédite, ainsi que de soutenir le travail des jeunes poètes de langue espagnole.
Quelques œuvres :
• La víspera indeleble, 1945 (poésie).
• Quién de nosotros, 1953 (roman).
• La Tregua, 1960 (roman, traduit en français sous le titre : La Trêve).
• Montevideanos, 1959 (nouvelles).
• Noción de patria, 1963 (poésie).
• Letras del continente mestizo, 1967 (essai).
• La casa y el ladrillo, 1977 (poésie).
• Cotidianas, 1979 (poésie).
• Viento del exilio, 1981 (poésie).
• Primavera con una esquina rota, 1982 (roman).
• Geografías, 1984 (nouvelles).
• Las soledades de Babel, 1991 (poésie).
• Perplejidades de fin de siglo, 1993 (poésie).
• El olvido está lleno de memoria, 1995 (poésie).
• Andamios, 1996 (roman).
• El porvenir de mi pasado, 2003 (nouvelles).
• Canciones del que no canta, 2006 (poésie).
|
Une poésie vivante, ah !
Merci pour cette découverte.
Rédigé par : johal | 11 juin 2009 à 10:51
Magnifiques petits poèmes en forme d'éventails!
Ainsi:
"combien de feux rouges
pour rejoindre le sentier
du vieux crépuscule"
En ce soir où un jour de juin passe en son lendemain, je pense à l'ami disparu voici trente ans, parti d'une balle en plein coeur et qui jamais ne parvint au vieux crépuscule...
Rédigé par : Fabian | 12 juin 2009 à 00:01
Pour info, "http://culturel.mal217.org/fr/Agenda/Litterature/Daniel-Viglietti-3709.htm>Recuerdo a Mario Benedetti" par Daniel Viglietti, en concert à la Maison de l'Amérique latine le 8 octobre 2010.
Rédigé par : Melodeona | 14 septembre 2010 à 13:48