Quan’ seri dent nel büs del mè vurè l’era pesant el gram fiadà de l’aria, pesant i facc, e scüra la giurnada, ma ′dèss che scappa el temp e sunt un alter e ′l corp se sfa ′me ′n′ umbra desfujada respiri el bèl del vìv cum′ un savè che tasta el fiur del nient, i buff de l’aria, e vör dumâ fàss respirà di alter. Quando ero dentro nel buco dei miei desideri, era pesante il gramo fiatare dell’aria, pesanti le facce, oscura la giornata, ma adesso che fugge il tempo e sono un altro e il corpo si sfascia come un’ombra sfogliata respiro il bello del vivere come un sapere che tasta il fiore del niente, i soffi d’aria, e vuole soltanto farsi respirare dagli altri. Franco Loi, Poesie, in Poesia e Spiritualità, Semestrale di ricerca transdisciplinare, Anni 1, Numero 2, viennepierre.edizioni, novembre 2008, pp. 44-45. Ph., G.AdC Quand j’étais à l’intérieur du trou de mes désirs, le maigre souffle d’air m’était pesant, pesants les visages, sombre la journée, mais à présent que fuit le temps et que je suis un autre et que mon corps se délite comme une ombre effeuillée je respire la beauté de vivre comme un savoir qui palpe la fleur du rien, les souffles d’air, et veut seulement se faire respirer par les autres. Traduction inédite d’Angèle Paoli Andà me sun lassà a l’aqua ciara, al lamped d’un vardà sensa resun, ′ me ne buff che vègn dal nient al fiâ de l’ànema, un fil che smaja e se desperd nel mund… Oh öcc sensa ′n umbrìa, bèj furm del cör, nel möess ′na sielina dré del tund ne l’aqua sua del ciar me sun cercâ. Mi sono lasciato andare all’ acqua chiara, alla limpidezza d’un guardare senza ragione, come un soffio che viene dal niente al fiato dell’anima, un filo che si smaglia e si disperde nel mondo… Oh occhi senza ombra, belle forme del cuore, nel muoversi una lacrima dietro il piatto nell’acqua sua del chiaro mi sono cercato. Franco Loi, Poesie, op. cit., pp. 56-57. Ph., G.AdC Je me suis laissé aller à l’eau claire, à la limpidité d’un regard sans raison, comme un souffle qui du rien arrive au souffle de l’âme, un fil qui se dévide et se perd dans le monde… Oh yeux sans ombre, belles formes du cœur dans le trajet d’une larme derrière l’assiette dans le clair de son eau je me suis cherché. Traduction inédite d’Angèle Paoli Me sun sveliâ’ na nott e gh’era un òm che me vardava cume vèss un mort: me sun scundü in mì’me dent nel Dòm e û cercâ nel sangh la mia parola… Ma gh’era nient, gh’era dumâ l’umbrìa de quèl vardàm e del sò vèss de tola a mia memoria de l’òm che seri stâ. Mi sono svegliato una notte e c’era un uomo che mi guardava come essere un morto : mi sono nascosto in me come dentro un Duomo e ho cercato nel sangue la mia parola… Ma non c’era niente, c’era soltanto l’ombra di quel guardarmi e del suo essere di latta a mia memoria dell’uomo che ero stato. Franco Loi, Poesie, op. cit., pp. 62-63. Ph., G.AdC Je me suis réveillé une nuit et il y avait un homme qui me regardait comme si j’étais un mort : je me suis caché en moi comme à l’intérieur d’un Dôme et j’ai cherché ma parole dans mon sang… Mais il n’y avait rien, il y avait seulement l’ombre de ce regard sur moi et de son être de fer-blanc en souvenir de l’homme que j’avais été. Traduction inédite d’Angèle Paoli FRANCO LOI : NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE Source Sarde par son père, Franco Loi est né à Gênes le 21 janvier 1930, mais sa famille s’est installée à Milan dès 1937, dans le quartier populaire de Casoretto. Sa langue poétique témoigne d’un métissage d’éléments linguistiques de nature et d’origine variées, dont le dialecte milanais, dialecte qu'à compter de 1965, il privilégie pour la composition de ses poèmes. Franco Loi a commencé à publier tardivement, dans des revues, au début des années 1960. En 1973 a paru la plaquette I cart aux éditions Trentadue, puis en 1974, le recueil Poesie d’amore aux éditions Il Ponte. Préfacé par Franco Fortini, le poemetto Stròlegh, publié chez Einaudi en 1975, apparaît comme une œuvre fondamentale qui puise sa dimension épique aux sources de la mémoire mais aussi dans le contexte prolétarien du Milan de la guerre et de l’après-guerre. Avec Stròlegh, Franco Loi s’est révélé comme une figure centrale de la poésie néodialectale, mais aussi du XXe siècle. Parmi ses nombreuses publications, il faut retenir Teater (Einaudi, 1978), Bach (Schweiwiller, 1986), Liber (Garzanti, 1988), Umber (Piero Manni, 1992), L’Angel (Mondadori, 1994), Isman (Einaudi, 2001), Aquabella (Interlinea edizioni, 2004), Aria de la memoria (Einaudi, 2005), Voci d’osteria (Mondadori, 2007). Critique littéraire de Il Sole 24 Ore, Franco Loi a aussi assuré, avec Davide Rondoni, la coordination éditoriale d’une anthologie de la poésie italienne de 1970 à nos jours. Franco Loi est mort à Milan le 4 janvier 2021. ____________ Note d’Angèle Paoli : j’adresse à Marie Fabre tous mes remerciements pour ses conseils amicaux. |
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Franco Loi... un peu du secret de son étrangeté... des mots comme les mailles d'un regard... silence apaisant... captive de ces frémissements, je lis...
Rédigé par : Christiane | 28 février 2009 à 22:40
Je ne connaissais pas ce poète, et me voici embarquée dans ses silences et ses mots (Christiane dépeint cela très bien). Et ce visage. Long, angulaire : que se cache-t-il derrière ?
Rédigé par : Fabian | 01 mars 2009 à 15:43
Le visage de Franco Loi est étonnant de beauté, comme ses mots, ce sourire, en demi-ton, en demi-teinte. Et cette langue dialectale, alors, biseautée, avec juste ce qu'il faut de tranchant pour en saisir la douceur !
Rédigé par : Angèle | 01 mars 2009 à 18:03
Il bello del vivere... Vivere la calda vita ? Cela me fait penser au roman de Pier Antonio Quarantotti Gambini, La Vie ardente, dont le texte original intégral est d'ailleurs introuvable. Merci pour ces textes et pour vos traductions.
Rédigé par : amour cuisant | 02 mars 2009 à 23:31
mes compliments pour la traduction, Angèle. Il n'était pas facile de rendre la complexité linguistique et dialectale de Loi.
à bientôt
Giacomo
Rédigé par : Giacomo Cerrai | 09 mars 2009 à 12:58
=> Merci, amour cuisant, quelle belle surprise que votre visite ! J'ignorais que vous parliez italien!
=> Caro Giacomo, je suis très sensible à ce compliment, d'autant que, vous le savez, je vais bientôt m'embarquer pour l'Italie. Et vais devoir me confronter pendant plusieurs jours à d'autres poètes et traducteurs ! J'espère bien que vous ne manquerez pas d'être à nos côtés dans cette aventure !
Rédigé par : Angèle Paoli | 09 mars 2009 à 19:09
Chère Angèle, je ne parle pas couramment l'italien, mais je le lis avec beaucoup de plaisir. Quant aux dialectes, à part peut-être le sicilien grâce aux lectures d'Andrea Camilleri, j'avoue que vos lumières me sont indispensables :-)
Rédigé par : amour cuisant | 11 mars 2009 à 14:22