Le 5 février 1626 naît, Place Royale à Paris (aujourd'hui Place des Vosges), Marie de Rabutin-Chantal, future marquise de Sévigné.
PORTRAIT DE LA MARQUISE PAR SON COUSIN BUSSY (EXTRAIT) « Mme de Sévigné [...] a d’ordinaire le plus beau teint du monde, les yeux petits et brillants, la bouche plate, mais de belle couleur ; le front avancé, le nez semblable à soi, ni long ni petit, carré par le bout, la mâchoire comme le bout du nez ; et tout cela, qui en détail n’est pas beau, est, à tout prendre, assez agréable ; elle a la taille belle sans avoir bon air ; elle a la jambe bien faite, la gorge, les bras et les mains mal taillés ; elle a les cheveux blonds, déliés et épais ; elle a bien dansé, et a l’oreille encore juste ; elle a la voix agréable, elle sait un peu chanter. Voilà pour le dehors, à peu près comme elle est faite. Il n’y a point de femme qui ait plus d’esprit qu’elle, et fort peu qui en aient autant. Sa manière est divertissante. Il y en a qui disent que, pour une femme de qualité, son caractère est un peu trop badin. Du temps que je la voyais, je trouvais ce jugement-là ridicule, et je sauvais son burlesque sous le nom de gaieté ; aujourd’hui qu’en ne la voyant plus, son grand feu ne m’éblouit pas, je demeure d’accord qu’elle veut être trop plaisante. Si on a de l’esprit, et particulièrement de cette sorte d’esprit qui est enjoué, on n’a qu’à la voir, on ne perd rien avec elle : elle vous entend, elle entre juste à tout ce que vous dites, elle vous devine et vous mène d’ordinaire bien plus loin que vous ne pensez aller ; quelquefois aussi, on lui fait bien voir du pays ; la chaleur de la plaisanterie l’emporte, et, en cet état, elle reçoit avec joie tout ce qu’on veut lui dire de libre, pourvu qu’il soit enveloppé. Elle y répond même avec usure, et croit qu’il irait du sien si elle n’allait pas au-delà de ce qu’on lui a dit. Avec tant de feu, il n’est pas étrange que le discernement soit médiocre, ces deux choses étant d’ordinaire incompatibles, la nature ne peut faire de miracle en sa faveur. Un sot éveillé l’emportera toujours auprès d’elle sur un honnête homme sérieux. La gaieté des gens la préoccupe. Elle ne jugera pas si l’on entend ce qu’elle dit. La plus grande marque d’esprit qu’on lui peut donner, c’est d’avoir de l’admiration pour elle. Elle aime l’encens ; elle aime d’être aimée, et pour cela, elle sème afin de recueillir ; elle donne de la louange pour en recevoir. Elle aime généralement tous les hommes, quelque âge, quelque naissance et quelque mérite qu’ils aient, et de quelque profession qu’ils soient ; tout lui est bon, depuis le manteau royal jusqu’à la soutane, depuis le sceptre jusqu’à l’écritoire. Entre les hommes, elle aime mieux un amant qu’un ami, et parmi les amants, les gais que les tristes. Les mélancoliques flattent sa vanité, les éveillés son inclination. Elle se divertit avec ceux-ci, et se flatte de l’opinion qu’elle a bien du mérite d’avoir pu causer de la langueur à ceux-là. Elle est d’un tempérament froid, au moins si on en croit feu son mari : aussi lui avait-il l’obligation de sa vertu, comme il disait ; toute sa chaleur est à l’esprit. À la vérité, elle récompense bien la froideur de son tempérament. Si l’on s’en rapporte à ses actions, je crois que la foi conjugale n’a point cette violence ; si l’on regarde l’intention, c’est une autre chose. Pour en parler franchement, je crois que son mari s’est tiré d’affaire devant les hommes, mais je le tiens pour sot devant Dieu. Cette belle, qui veut être à tous les plaisirs, a trouvé un moyen sûr, à ce qu'il lui semble, pour se réjouir sans qu’il en coûte rien à sa réputation. Elle s’est faite amie de quatre ou cinq prudes, avec lesquelles elle va en tous les lieux du monde. Elle ne regarde pas tant ce qu’elle fait qu’avec qui elle est. En ce faisant, elle se persuade que la compagnie honnête rectifie toutes ses actions et, pour moi, je pense que l'heure du berger, qui ne se rencontre d'ordinaire que tête à tête avec toutes les femmes, se trouverait plutôt, avec celle-ci, au milieu de sa famille. » Bussy-Rabutin*, Histoire amoureuse des Gaules, folio classique, pp. 197-199. Édition de Jacqueline et Roger Duchêne.
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