Invitée du jour : Fabian Gastellier
de Rosa, Louise McCauley Parks.
Fille aînée d’un charpentier et d’une institutrice, Rosa McCauley voit le jour dans le profond Sud américain où la ségrégation raciale fait loi. Les arbres, parfois, ploient sous d’étranges fruits [Source] ; les sinistres pèlerins du Ku Klux Klan enflamment les maisons ; les toilettes, les bancs, les fontaines publiques sont, pour certains, interdits aux Noirs. « Petite, dira Rosa, je croyais que l’eau des fontaines pour les Blancs avait meilleur goût que celle des Noirs. »
Devenue couturière à Montgomery, Rosa épouse en 1932 Raymond Parks, un barbier engagé dans la lutte pour l’égalité des droits civiques. Il l’encourage à poursuivre des études secondaires, ce qu’elle fait en un temps où seulement sept pour cent des Noirs parviennent à ce niveau.
La vie quotidienne est rythmée par les transports en commun : ces bus où les quatre premiers rangs sont exclusivement réservés aux Blancs pour une population majoritairement Noire. Ce sont les « lois Jim Crow ».
Révérend Jesse Jackson, le 25 octobre 2005.
Le 1er décembre 1955 est un jour parmi les jours. Un soir parmi les soirs. Rosa a fini son travail et prend comme d’habitude, vers dix-huit heures, le bus n°2857 de Cleveland Avenue. Elle s’assoit juste derrière l’ultime rang pour Blancs, déjà complet. Et là, à cette minute précise, une page de l’histoire américaine va basculer. Lors du troisième arrêt, quand d’autres passagers blancs montent, James Blake, le chauffeur, demande à Rosa de céder son siège. Elle refuse. Tout simplement. Alors que ce n’est pas si simple. Elle ne bouge pas. Elle dit : non. Peut-être même n’a-t-elle pas parlé. « Quand cet homme s’est approché, rappelle-t-elle, avec ce geste de la main vous signifiant de dégager, j’ai senti une force nouvelle, une détermination m’envelopper comme, dans les soirs d’hiver, une couverture vous protège. »
La police peut venir, plus rien n’est comme avant. Et la police vient. Rosa est accusée de troubles de l’ordre public et de violation des lois ségrégationnistes du code de la ville et condamnée à quinze dollars d’amende.
Rosa Parks est libérée sous caution. Le jour de son procès, le 5 décembre, aucun Noir ne monte dans un bus, début d’un boycott de 381 jours mené de front par un pasteur inconnu : Martin Luther King. Le mouvement atteint une telle ampleur qu’il paralyse la ville. Le domicile de King est criblé de balles et certaines églises de la communauté afro-américaine, soufflées par des explosions. Mais que peut une arme contre un rêve ? Au bout du rêve de Rosa, une première pierre de victoire : la condamnation par la Cour Suprême des Etats-Unis de la « loi des bus ». Le 13 novembre 1956, la Cour statue effectivement, dénonçant l’illégalité de cette ségrégation, répondant ainsi aux revendications initiées par King :
― que les Blancs et les Noirs puissent s’asseoir où ils veulent dans l’autobus ;
― que les chauffeurs soient plus courtois à l’égard de toutes les personnes ;
― que des chauffeurs noirs soient engagés.
Rosa Parks devient alors une icône de la lutte afro-américaine pour le respect des droits de chacun, marche aux côtés du million de Noirs lors de la « Million Man March » de 1995 à Washington, est décorée de la Médaille d’or du Congrès, plus haute distinction décernée par l’organe législatif américain…
Le 24 octobre 2005, à 92 ans, Rosa Parks s’éteint à Detroit. Sa dépouille est exposée deux jours durant dans la rotonde du Capitole pour un hommage public, privilège réservé d’habitude aux hommes politiques et aux soldats. Rosa est d’ailleurs, à cette heure, la seule femme à avoir reçu cet honneur.
« Beaucoup de gens pensent que je n’ai pas voulu me lever parce que j’étais fatiguée, disait-elle, mais c’est faux. Je n’étais pas plus fatiguée, ce jour-là, que je ne l’étais quotidiennement. Je n’étais pas vieille : j’avais 42 ans. Si j’ai été fatiguée de quelque chose, c’est d’avoir trop longtemps obéi. »
Fabian Gastellier
D.R. Texte Fabian Gastellier/Terres de femmes
FABIAN GASTELLIER PAR ELLE-MÊME
Née par hasard, élevée sans certitudes, postée sans accusé de réception au TNP de Vilar-Wilson, elle plonge à quinze ans dans le monde du Rock’n’roll. Quelques confettis plus tard, elle découvre les tourterelles turques de Méréville. Elle mange alors de la pellicule en V.O. chez Henri Langlois puis adhère en post-it au livre d’images de Bob Wilson. Devenue critique de cinéma-théâtre, elle opte pour ce dernier et cause, quinze ans durant, dans le poste de France Inter pour Le Masque et la Plume. Elle balaie alors les travées de divers journaux. Tombée très tôt dans la fosse d’orchestre, elle se rend malencontreusement célèbre pour avoir cité Janis Joplin dans un article sur Beethoven et Abbado. Rendue K.O. par une landmine en terre d’Israël, elle raccroche ses gants de reporter, se met à écrire, et publie un roman L’Hôtel, chez Stock, ainsi qu’une biographie de Mère Angélique Arnauld chez Fayard. Entre « espérer » et « désespérer », elle a hésité, voire flirté. Parce que, à six ans, elle a découvert les Nymphéas de Monet, elle travaille aujourd’hui dans le domaine de l’art moderne et contemporain.
D.R. Texte Fabian Gastellier
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A une semaine près de l'anniversaire de la libération, le 11 février 1990, de Nelson Mandela.
Rédigé par : Pascale | 04 février 2009 à 16:59
Quelle belle réactivité, Pascale, merci!
Rédigé par : Angèle Paoli | 04 février 2009 à 17:41
Il est toujours bon de rappeler ce que le courage d'une personne peut faire pour tant d'autres.
Rédigé par : Elsa | 04 février 2009 à 18:42
Oui, Elsa, bien sûr. Mais Rosa Parks a-t-elle vraiment eu conscience de ce que cette détermination inattendue, ponctuelle, allait entraîner de conséquences pour les autres ?
Rédigé par : Angèle Paoli | 04 février 2009 à 20:33
Rosa Parks, Martin Luther King... J'ai tant de mal à imaginer cette ségrégation. Je ne suis pas certaine que cette haine n'appartienne qu'au passé... Quand parlera-t-on d'un homme en oubliant ce qui n'est pas l'essentiel : son humanisme ?
Je vois que les billets vont par deux ce jour. Salut donc à cette dame qui semble avoir aussi beaucoup de courage et de talents pour résister aux blessures de la vie.
Rédigé par : Christiane | 05 février 2009 à 10:25
Certainement pas, mais elle a eu individuellement le courage de se révolter contre une injustice. C'était d'autant plus courageux qu'elle n'était pas soutenue par un groupe. A la base de toute révolte, de tout mouvement populaire, il y a des individus courageux qui créent l'étincelle...
Rédigé par : Elsa | 05 février 2009 à 11:39
Oui Christiane, ces billets vont en effet par deux. Il se trouve que le papier sur Rosa Parks m'a été proposé par Fabian Gastellier. De mon côté, j'ai demandé à Fabian de compléter son papier par une petite "bio" puisque c'est la première fois que je l'accueille sur Terres de femmes en tant qu'"Invitée du jour". C'est toujours ainsi que je procède mais il est vrai que cette notule, rédigée par Fabian elle-même, a de quoi surprendre ! Tant par le fond que par la forme. Mais ce n'est pas pour me déplaire. J'aime cette façon originale de se présenter qui semble correspondre aussi à la personnalité multiple de la talentueuse écrivain et journaliste qu'est Fabian.
Quant à ce que vous dites de Rosa Parks, j'y suis aussi très sensible. Et j'ai les mêmes appréhensions que vous. Contre lesquelles, il faut, malgré tout, se prémunir. Le partage n'est-il pas un des moyens possibles de faire reculer la haine ?
Rédigé par : Angèle Paoli | 05 février 2009 à 12:25
Merci de ces éclaircissements, Angèle. Je suis une lectrice inattentive. Je n'avais pas compris que les deux textes étaient de Fabian Gastellier. Je comprends mieux ce qui m'avait paru obscur dans l'esquisse de sa vie. Je lisais et cela se refermait, comme un dévoilement offert et refusé. Cela change des biographies habituelles et des autofictions complaisantes. Ce portrait à la 3e personne du... singulier m'avait incité à penser que ce ne pouvait être elle qui avait écrit sur elle. Cette écriture est fascinante, comme si elle se perdait en se trouvant. A la relecture j'aime beaucoup.
Rédigé par : Christiane | 05 février 2009 à 13:32