Photo-collage, G.AdC
À CHÌ COLLA À CHÌ FALA
À chì colla à chì fala * elle allonge les pas j’allonge les miens elle descend vers les Petrelle d’où je viens la terre sent bon le trop-plein de pluie chuintements de la roche clapotis discret de l’eau qui s’égoutte la scie grésille un peu plus bas du côté de la mer vert pétrole bleu dur d’émeraude tranchant sous la cognée un chien couché de nuages noirs obscurcit l’horizon le froid tombe et avec lui remonte dans les os l’humidité retenue par la terre.
Une vespa bleue appuyée au rebord du talus à même la roche elle n’y était pas lorsque j’ai bifurqué pour prendre le sentier de la Punta le maquis que l’on croit inhabité désert retient ses secrets qu’il ne livre que parcimonieusement et provisoirement Je cherche des yeux celui (pourquoi ne serait-ce pas celle ?) à qui appartient la vespa bleue Nulle trace de présence ni au-dessus de moi dans le fouillis des arbres ni dans leurs masses denses en dessous de la route La Pierre plate ma douce pierre à palabres glisse de mousse humide et il est impossible de s’y hisser promontoire inaccessible qui refuse ses rondeurs à ma contemplation Le soleil tente une percée à travers la gueule béante du dragon-chien je guette les mille bruits imperceptibles qui ponctuent ici et là le maquis le frôlement d’un geai qui traverse les feuillages d’un bord de la route à l’autre sans que je le voie le couinement des cochons fouaillant la terre le jappement d’un chien les sonnailles soudain proches des chèvres et le clocher qui égrène le temps identique pour chacun d’entre nous De temps en temps le ronflement d’un moteur les voitures jaunes des garde-forestiers ne vont pas tarder à surgir virages à pleine vitesse les jours allongent paraît-il mais cela ne change rien à la soif du thé de cinq heures ni aux soirées au coin du feu La mer est froide vue d’ici glaciale même et l’air retient prisonnières les bouffées de tiédeur que je sens poindre sous l’épaisseur des nuages.
À chì colla à chì fala elle marche d’un pas ferme jusqu’où va-t-elle descendre la chape de lourdeur qui pesait sur moi s’est dégagée elle m’a rendue à ma légèreté première je me sens libre de rire et de rêver qui saura me dire ce que sa force vive met de bonheur en moi ?
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
* « Il y a celle qui monte et celle qui descend »
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"... qui saura me dire ce que sa force vive met de bonheur en moi ?"
C'est exactement cela quand je lis ce très beau texte apollinien.
Rédigé par : Christiane | 03 février 2009 à 17:40
Que c'est beau...
je l'ai lu d'une traite en sentant remonter en moi les odeurs de l'Afrique
quand la terre est comme une éponge et que les parfums sont si puissants
que l'on voudrait s'échapper dans la pierre
Ta voix ici est comme une coulée de lave
Merci
Rédigé par : Viviane | 03 février 2009 à 20:37
Moi ça me rappelle aussi tant de délires en Italie et en France où je me régale en Vespa.
Tout ça dit en poésie c'est super!!!
Rédigé par : Pasqualino | 04 février 2009 à 13:49
" oh nos vespas imaginaires figées dans les souvenirs image unique cerclée dans son halo de lumière vive…"
Amicizia
Guidu ___
Rédigé par : Guidu | 05 février 2009 à 10:24