Ph., G.AdC
PER UN NUOVO INVERNO
Se non fosse che questo : giungere a un luogo
esattamente pronunciarne il nome, essere a casa.
Felice inverno adesso che il nuovo inverno è passato
da un inizio per noi ancora senza nome
non diverso dal varco estivo di reti
forse, un cerchio debole di lumi.
Intorno solo piante
che non avresti fatto in tempo a scansare
acqua soffiata sulle pietre ― grandine
che mai sapremo se è arrivata col suono
che faceva sui tetti là nel tuo tempo
nella bianca, umana pulizia dei bagni.
Finora solo passi recisi
che forse ascolti con ardente silenzio
e aria tra gli aranci mossi piano dai vivi.
Vedi qui nulla per la prima volta si perde.
Stamattina hanno buttato la terra
fredda ― colma della gioia dell’acqua
ha dimenticato per te
la sbarra della sedia, la nuca rovesciata
il vento del cortile.
Così felice notte ora che di nuovo è notte
e non è vero che il gelo resti
e abbassi piano il pensiero
forse uno scatto invece schiude qualcosa in alto
molto in alto ―
una nota
oltre il becco oltre gli occhi lucenti di un uccello
una scheggia di collina ― quella laggiù
serrata al tetto verde-bronzo della chiesa.
Felice notte a te
per sempre priva di abisso, una steppa dell’anima-sommessa
dove l’ulivo si piega senza suono
Gerusalemme della quiete
della quiete e del tronco che cerchia e incide la morte
che la succhia nel vuoto e nel vuoto la getta
e la macera piano.
Non ho voce, né canto
ma una lingua intrecciata di paglia
una lingua di corda e sale chiusa nel pugno
e fitto in ogni fessura
nel cancello di casa che batte sul tumulo duro dell’alba
dal buio al buio
per chi resta
per chi ruota.
Antonella Anedda, Per un nuovo inverno, Notti di pace occidentale, Donzelli Editore, Roma, 1999, pp. 65-66.
POUR UN NOUVEL HIVER
S’il suffisait de ceci : arriver quelque part
en prononcer parfaitement le nom, être à la maison.
Heureux hiver quand le nouvel hiver est passé
d’un début qui pour nous est encore sans nom
proche du chemin des filets, l’été
peut-être, un faible cercle de lueurs.
Autour, des plantes seules
que tu n’aurais pas eu le temps de déplacer
de l’eau sur les pierres soufflée ― la grêle
nous ne saurons jamais si elle est arrivée au bruit
qu’elle faisait sur les toits, là à ton époque
dans la propreté blanche et humaine des sanitaires.
Jusque là, juste des pas nets
que tu écoutes peut-être avec un ardent silence
et l’air entre les orangers agités lentement par la main des vivants.
Tu vois, ici pour la première fois, rien ne se perd.
Ce matin, ils ont battu la terre
froide ― comblée par la joie des eaux
le vent dans la cour
a oublié pour toi
la barre de la chaise, la nuque renversée.
Bonne nuit maintenant qu’il fait nuit à nouveau
et il est faux que le gel durera
et doucement tu abaisses la pensée
peut-être un déclic déclenche-t-il quelque chose en hauteur
très haut ―
une note
au-delà du bec, au-delà des yeux brillants d’un oiseau
un éclair de colline ― celle-là en bas
collée au toit vert bronze de l’église.
Bonne nuit à toi
à jamais privée d’abîme une steppe de l’âme étouffée
où l’olivier se plie sans un bruit
Jérusalem de la quiétude
de la quiétude et du tronc qui encercle et inscrit la mort
qui l’aspire dans le vide et dans le vide la jette
et la mâche lentement.
Je n’ai ni voix ni chant
mais une langue tressée de paille
une langue de corde et du sel dans mon poing
plein pour chaque fissure
dans le portail de la maison qui frappe sur le tombeau dur de l’aube
de l’obscurité à l’obscurité,
pour qui reste
pour qui tourne.
Antonella Anedda, Pour un nouvel hiver, in Nuits de paix occidentale ; 30 ans de poésie italienne, Po&sie 110, 1975-2004, Éditions Belin, 2005, pp. 399-400. Traduction de Martin Rueff.
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Dédié à Amelia Rosselli, Per un nuovo inverno a été écrit en mars 1996, un mois après le suicide de la grande poète italienne (survenu à Rome le 11 février 1996), et publié une première fois sous le titre Per un felice inverno, dans un plaquette imprimée à la main (90 exemplaires) par Meri Gorni (En Plein, Milano, 1997). « Les vers d’Antonella Anedda transforment le gel d’un adieu en un dialogue affectueux au-delà de la mort ».
BIO-BIBLIOGRAPHIE
D’origine sarde et corse (par sa grand-mère), Antonella Anedda (Antonella, Amelia, Ester, Maria, Roberta Anedda-Angioy) est née le 22 décembre 1955 à Rome où elle a suivi des études d’histoire de l’art. Elle partage son temps entre la « Ville éternelle », Lugano, la Corse* et l'île sarde de La Maddalena, « un’isola nell’isola », « île d'une pensée » selon les termes d'Antonella Anedda, allégorisation d'une nécessaire condition poétique de solitude et d'insularité dont l'écho se retrouve dans le vers de Celan : « Niergends fragt es nach dir » [In nessun luogo si chiede di te].
« Scrivo con pazienza
all’eternità non credo
la lentezza mi viene dal silenzio
e da una libertà ― invisibile ―
che il Continente non conosce
l’isola di un pensiero che mi spinge
a restringere il tempo
a dargli spazio
inventando per quella lingua il suo deserto. »
(Notti di pace occidentale, op.cit., p. 14)
« J’écris avec patience
je ne crois pas à l’éternité
la lenteur me vient du silence
et d'une liberté ― invisible ―
que ne connaît pas le Continent
l’île d’une pensée qui me pousse
à resserrer le temps
à lui donner de l’espace
en inventant pour cette langue son désert. »
Antonella Anedda a enseigné le français à la Faculté des lettres et de philosophie de l'Université de Sienne/Arezzo, avant de travailler pour l’Istituto di studi italiani (ISI) de Lugano (Università della Svizzera italiana) et d'occuper la chaire d'anglistique de l'université de Rome. Elle écrit dans de nombreux périodiques et revues : Il Manifesto, Legendaria, Linea d’ombra, MicroMega, Nuovi Argomenti (éditions Mondadori), Poesia (éditions Crocetti).
Antonella Anedda est l’auteure de cinq recueils de poésie :
- Residenze Invernali (Crocetti, Milan, 1992, préface d'Arnaldo Colasanti), pour lequel elle a reçu le prix Sinisgalli, le prix Diego Valeri et le Tratti Poetry Prize ;
- Notti di pace occidentale (Donzelli, Rome, septembre 1999). Prix Montale 2000 ;
- Il catalogo della gioia (Donzelli, Rome, 2003) ;
- Dal balcone del corpo (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, juin 2007). Prix Napoli 2007. Prix Giuseppe Dessì 2008 ;
- Salva con nome (Mondadori, Collection Lo specchio, Milan, mars 2012).
Elle a également publié plusieurs essais et recueils de nouvelles, dont :
- Cosa sono gli anni (Fazi Editore, Rome, 1997) ;
- La luce delle cose (Feltrinelli, Milan, 2000) ;
- Tre stazioni (LietoColle, Faloppio, 2003) ;
- La vita degli dettagli (Donzelli, collana Saggine, Rome, 2009) ;
- Isolatria. Viaggio nell'arcipelago della Maddalena (Laterza, Collana Contromano, 2013).
En tant que traductrice, elle a aussi dirigé l'édition de deux ouvrages de Philippe Jaccottet : Appunti per una semina : poesie e prose 1954-1994, anthologie de poèmes (Fondazione Piazzolla, Rome, 1994), et l'édition italienne de La parola russia (Donzelli editore, 2004 ; éd. fr. : À partir du mot Russie, Fata Morgana, 2003). Elle a en outre publié un recueil de variations poétiques et de poésies étrangères intitulé Nomi Distanti (Empiria, Rome, 1998). Elle a aussi traduit Les Tristes d'Ovide, et, plus récemment, Ann Carson et Jamie Mckendrick, et s'apprête à publier un ouvrage consacré à l'art contemporain (et notamment à Bill Viola).
Tenue pour l’une des voix les plus originales de la poésie italienne contemporaine, Antonella Anedda est présente dans de très nombreuses anthologies italiennes et étrangères. Une traduction partielle de Notti di pace occidentale (Nuits de paix occidentale & autres poèmes) est parue en 2008 aux éditions bordelaises L'Escampette (traduction de Jean-Baptiste Para, directeur de la revue Europe)**. Certains des poèmes traduits dans ce recueil ont déjà paru dans le n° 1 de la revue Confluences poétiques (Mercure de France, mars 2006), dans le n° 132 (décembre 2006) de la revue Décharge, dans le n° 20 (automne-hiver 2007) de la revue Rehauts, et dans la revue Europe (novembre 2007).
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* « Le rectangle de ces feuilles est l’enclos qui redouble la solitude de cette île : la Corse ― ni italienne, ni étrangère ― où j’ai cherché à résister au vide qui croissait autour de tout ce que j’aimais et qui était devenu invincible, pour moi, à Rome, sur le Continent » (Antonella Anedda in « Basse Lumière », avant-propos de Nuits de paix occidentale, L’Escampette Editions Poésie, 2008, page 7).
** Ce volume est une anthologie qui rassemble plusieurs séquences de l’œuvre d'Antonella Anedda, issues de Notti di pace occidentale, de Nomi distanti, d'Il catalogo della gioia, de Dal balcone del corpo et de La luce delle cose. Le texte ci-dessus (Per un nuovo inverno) n'en fait pas partie, ni les Notturni (que l'on retrouvera par ailleurs dans Terres de femmes).
NUITS DE PAIX OCCIDENTALE
« La force d’un livre comme Nuits de paix occidentale semble tenir à une tension toujours renouvelée entre un souci de réserve pudique, de loyale retenue, où le chant révèle sa part d’ombre et de silence, et un élan profond, une ardeur immédiate dans le don de soi, dans l’incandescente offrande de parole. Si les poèmes d’Antonella Anedda font penser à un tissu sans couture, mais brûlé ou lacéré par endroits, c’est qu’ils font place à la fois à la scène de l’intime et à la scène de l’Histoire, à l’élégie et à la tragédie, à la force nue de l’amour et aux forces armées de la violence. Leur modulation, idéalement continue et pérenne, n’en est pas moins soumise à d’implacables déchirures par la contingence ou les terribles lois de nécessité. »
Jean Baptiste Para, « Basse Lumière », avant-propos de Nuits de paix occidentale, L’Escampette Editions Poésie, 2008, page 5.
UNE POÉSIE INSULAIRE
« Si l’insularité est moins une donnée géographique que la perception constante des bords, des découpages, des rivages exondés et des jeux de lumière, alors il n’est sans doute pas exagéré d’affirmer que la poésie d’Antonella Anedda est bien une poésie insulaire. Aussi bien, quand la poète déclare rêver d’un langage capable de dire le moi sans céder à l’invasion du moi […] Un moi capable d’écoute, mais porteur d’un regard et d’une oreille personnels et d’une voix singulière autant qu’impérieuse, mis de côté, il apparaît clairement que l’enjeu de sa poétique est la fondation d’un lyrisme de l’hospitalité qui sache limiter l’effusion du monde par un travail de bordage. On comprend mieux que les poètes avec lesquels elle entend dialoguer aient pour nom Mandelstam, Celan, Marina Tsvetaeva ou Kafka et Beckett, ces écrivains des limites. »
Martin Rueff, 30 ans de poésie italienne, Po&sie 110, op. cit. supra, page 399.
C'est touchant, de telles merveilles sur votre île Angèle. Merci encore encore encore...
Rédigé par : Alistrid | 11 novembre 2008 à 07:41
oui l'île, la langue italienne et ce que j'en pressens, car la traduction, et cette fameuse réserve, me laissent sur ma faim, mà la lingua italiana !
Rédigé par : lam | 16 novembre 2008 à 10:42