LES GLOBES DE CORONELLI
La Gazette du 27 novembre 1683, annonçant au public, pour la première fois, la réalisation des globes de Coronelli, attirait l'attention dès l'abord sur le caractère invraisemblable de son œuvre : deux boules de douze pieds de diamètre (près de quatre mètres), pesant plus de 2,3 tonnes et représentant le ciel et la Terre sur une surface de près de cinquante mètres carrés chacune.
Chargé d'une ambassade extraordinaire à la cour de Rome en 1679, le cardinal d'Estrées (1628-1714), neveu de la « belle Gabrielle », la maîtresse d'Henri IV, fut séduit par des globes de 1,75 m de diamètre que le duc de Parme, Ranuccio Farnèse, montrait à ses visiteurs. Il décida d'en offrir de beaucoup plus grands au roi Louis XIV, alors au sommet de sa gloire; il espérait, disait-on, devenir chef du Conseil de conscience.
Au lendemain de la paix de Nimègue qui met fin à la guerre de Hollande, Louis XIV vient de faire de la France la plus florissante monarchie du monde. Il est aussi le protecteur des sciences et des arts, et les deux présents que Coronelli lui dédie, magnifient l'image d'un monde pacifié qui lui offre, grâce au commerce et à la navigation, toutes les ressources des contrées les plus lointaines. César d'Estrées commanda le travail à l'artisan des globes de Ranuccio, un franciscain né à Venise en 1650 qui avait appris et pratiquait la gravure et l'astronomie en même temps que la théologie. Vincenzo Coronelli avait déjà publié plusieurs petits almanachs gravés, mais c'est à cette commande extraordinaire qu'il dut la poursuite de sa brillante carrière de géographe et de fabricant de globes, et une rapide ascension dans la hiérarchie des frères mendiants.
Pour accomplir son travail, Vincenzo s'installa à Paris en 1681, à l'hôtel d'Estrées de la rue Barbette, dans le Marais, et acheva le travail en 1683 rue Neuve-des-Petits-Champs, dans l'hôtel de Lionne, acquis par l'un des neveux du cardinal. La fabrication de ces immenses sphères avait nécessité un aménagement particulier dont Coronelli identifie nettement le coût dans les quelques notes et correspondances privées qui nous renseignent sur les premiers temps de la construction. Ensuite, dès que le cadeau fut remis à Louis XIV, les dépenses apparurent dans les « comptes des bâtiments du roi » et ce sont ces archives publiques associées à un examen détaillé des globes, qui fondent aujourd'hui le travail des historiens.
Coronelli était très fier de sa prouesse technique puisqu'il assurait que chacun des globes pouvait supporter le poids de trente personnes introduites à l'intérieur par une trappe carrée dissimulée dans le décor.
Hélène Richard, Les Globes de Coronelli, Bibliothèque nationale de France/Seuil, 2006, pp. 10-13-14-16.
Voir/écouter aussi : - (sur le site de la BnF) un court exposé vidéo de Hélène Richard (directrice du département des cartes et plans) sur les globes de Coronelli. |
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