Sophie Loizeau, Bergamonstres,
Éditions L’Act Mem,
collection « Passages à l’Act », 2008.
LES MASQUES ET BERGAMASQUES DE SOPHIE LOIZEAU
Triptyque photographique, G.AdC
Masques et bergamasques d’un genre inédit, les « Bergamonstres » de Sophie Loizeau éploient leurs hybrides ancestraux bien au-delà du recueil auquel ils donnent leur titre et leur nom. Encadrés par Environs du bouc (2005 [épuisé] ; rééd. L’Amandier, février 2012) et Ex-Voto (2003), les « Bergamonstres » sont tirés, par l’écriture même, de l’inventaire d’un monde archaïque en sommeil. Exhumés des substrats archéologiques qui les enserrent, issus de stratifications immémoriales, les « Bergamonstres » surgissent, âne, chacal, panthère, chien, baribal, bouc et « grands cervidés ». Mais aussi oiseaux ― pic épeiche et sitelle torchepot. Et, avec la harde des faunes qui animent ce recueil de neuf textes, se déplie l’éventail des gestes et rituels qui marquent « l’association de l’homme et de la bête ». Reconnaissance des excréments, des traces et des indices. Empreintes et poils. Appropriation des attributs de la bête, onction de la peau avec le sang. Mais la bête, dans ce recueil précis, l’emporte sur l’homme et obtient qu’il lui cède. L’ours-baribal s’empare du « je », fusionne avec lui par vampirisation, le contraint à l’endormissement. Ou à la copulation ― « qu’il me prenne par derrière ― en ait l’idée (ou moi) ― et notre humanité devient suspecte ». Jusqu’à animalisation de l’être. Dans « la plus grande liberté qui soit ».
Bien qu’il ne soit nulle part question de viol dans cet opus, le visage de The Rape (1934) de René Magritte, se superpose à ma lecture. Sans pour autant que j’éprouve, en lisant Bergamonstres, le malaise que suscite en moi cette toile. Bien au contraire.
Du Yemen ― qui marque l’entrée dans le recueil ― à la Dordogne (Font-de-Gaume) qui le clôt ; du poète tchèque Jan Skácel ― à qui est dédié le texte du « baribal » ― à l’écrivain périgourdin Claude Seignolle ― à qui est dédié le poème sur les traces et indices ―, le poète déplie et agrège en quelques paragraphes, strophes ou phrases le compost dense qui in-forme le recueil Bergamonstres. Et recompose un univers mythique charnel, chaud et sexué qui est aussi le nôtre.
Servie par une écriture sensuelle, gorgée de sèves et de sels, la poésie de Sophie Loizeau est une poésie audacieuse, « panique », priapique même. Une poésie de l’éros. Un éros sans larmes, célébré par une grande prêtresse irrévérencieuse et gourmande.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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NOTES d'AP :
1. Cette note de lecture a précédemment paru dans la revue littéraire Europe (Georg Büchner - Roland Barthes [86e année - n°952-953], août-septembre 2008, pp. 355-356) ;
2. L'ouvrage Bergamonstres (compilation de La Nue-bête et d'Environs du bouc) est aujourd'hui épuisé. Environs du bouc a été réédité aux éditions de L'Amandier en février 2012. La Nue-bête a été réédité aux mêmes éditions de L'Amandier en mars 2013 ;
3. Ouvrages de Sophie Loizeau parus en 2013 : Caudal (éditions Flammarion, Collection Poésie, mars 2013) ; Le Roman de Diane (éditions Rehauts, mai 2013).
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Naviguer comme il se doit____
coloquinte éperdue
en acanthe stérile
du chapiteau idiot tu destitues l’oracle
tandis qu’impassible la nef glisse sur l’horizon factice
prépondérance de l’alcool singulier
le voyage à l'infini déchante les troubadours
sortilèges de la lactescence incendiés des cieux circonspects
Amicizia
Guidu___
Rédigé par : Guidu | 28 octobre 2008 à 12:34
Quel chant priapique entonnes-tu là
cavaliere de l’ombre
singulière est ta voix emplie des sortilèges
invisibles de l’âme
faunes et hamadryades pris
en défaut par les dieux
et voilà
qu’à ton tour piaffant du sabot
sur la nef aventureuse
ithyphallique tu te dresses et te rues à l’envers
de l’horizon factice des rêves
assombris par tes cieux
impatients.
Amicizia,
Anghjula
Rédigé par : Angèle Paoli | 28 octobre 2008 à 18:14