Samedi 17 juillet
J’entends l’histoire
La mère l'enfant
Épargnés
Les parents les amis
Le père
Ordre de les épargner
Uniforme caparaçon à ses hommes
Dans langue à eux Vocifère Deux syllabes Deux
Les épargner Ordre
Et aussitôt abaissent leurs canons
Eux et filent doux
Les épargner Ordre Et disparaître
Mais dilapident leurs possessions
Brisent l’abri La porte
La table Renversent Tout Sens dessus dessous
Souillent la citerne Plus D'eau
À grands bruits Parlent
S’esclaffent dans langue à eux
Puis ce qui reste Trois fois rien De victuailles
Et emportent avec eux le jambon
Uniforme caparaçon parti Et ses hommes
La vie reprend dans bois buvard
Cris Et chants Froissements d'aile Et pieds furtifs
La mère l'enfant
Épargnés
Les parents les amis
Le père
Se taisent
Ne pleurent pas Ne rient pas Ne s’étreignent pas
Se regardent d'un air gauche L'œil vide
Prostrés La mère l'enfant
Les parents les amis
Le père
On se tait On ne sait plus rien Se dire
Rien se parler Se dire Un mot
Courage
Se dire : Pas pour aujourd’hui !
En rire : Pas pour aujourd’hui !
Se dire : Que je me pince pour y croire ! Non
Comme si le cercle ouvert
Fil rompu
Et plus de début
Pour repartir
De début Pour repartir
Encore
Encore
La mère l'enfant
Les parents les amis
Le père
Élisabeth Chabuel, 7 44, K édition, 2008, pp. 30-31.
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NOTE D’AP : ma rencontre avec Élisabeth Chabuel, au Marché de la poésie 2008, est pur hasard. C’est par Cécile (Cécile Clozel) et Katherine (Katherine Flament) que j’ai fait la connaissance d’Élisabeth. Je ne connaissais pas Élisabeth. Elle partageait avec Cécile une petite table, perdue entre deux rangées de stands. J’ai reconnu Cécile (Elle est debout sur mes paupières), j’ai reconnu Katherine ― K édition. Le passé m’a sauté au visage. Toute une époque a refait subitement surface. Avec Cécile et Katherine, il y avait Élisabeth. Et, devant cette jeune femme souriante et sereine, un livre énigmatique, posé en pile sur la table. J’ai commencé à feuilleter 7 44 et à le lire. Élisabeth m’a présenté son poème. Un poème qui raconte la « survie de L’enfant, La mère, Le père, Les parents, Les amis, pendant une guerre ». Une performance d’écriture, réalisée en juillet 2004 pour la librairie Mosaïque à Die. Pour commémorer les événements de juillet 1944, dans le Vercors.
Autre particularité : Élisabeth est traductrice. La littérature albanaise est son domaine. Elle a déjà traduit cinq romans, dont trois de Besnik Mustafaj (Actes Sud et Albin Michel), et deux recueils de poésie : l’un de Preç Zogaj (Terre sans continent, L’Esprit des Péninsules, 1995), l’autre de Din Mehmeti, poète albanais du Kosovo (Il est temps, Buchet-Chastel, Collection Poésie, 2006).
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