Le 24 juin 2005 meurt à Montpellier le poète occitan Max Rouquette, né à Argelliers, village de l’arrière-pays montpelliérain, le 8 décembre 1908.
LES ROSEAUX DE MIDAS
(extrait de l’article de Claire Torreilles pour la revue
Europe)
D.R. Ph. Sylvie Berger
(avec son aimable autorisation de reproduction)
Source
« Quand la presse languedocienne découvre Max Rouquette, dans les dernières années de sa vie ou à l’occasion des nombreux hommages posthumes qui lui sont rendus, elle ne peut s’empêcher de s’étonner elle-même de le découvrir si tard. Un grand écrivain « si peu connu, si peu reconnu 1 », un « inconnu célèbre… auquel on prête tardivement l’oreille dans la région 2 ». L’autocritique faisant rapidement place à la recherche de bonnes raisons, on les trouve du côté de l’écrivain, si discret, si peu parisien, si extérieur aux cénacles littéraires. Mais quand on le rencontre, on découvre que Max Rouquette n’est ni effacé ni inconscient de sa valeur. On s’étonne de son amabilité « aristocratique » ou « britannique » sous laquelle « perce une presque sèche détermination 3 ». Puis, très vite, on trouve la faille : son choix de langue. Écrire en occitan, est-ce bien raisonnable 4 ? Max Rouquette attend la question, comme tous les écrivains occitans. Lui, depuis qu’il a commencé à écrire, au début des années vingt, il a la réponse : « Moi, fils de vignerons d’Argelliers, j’ai écrit pour ces gens à qui on a inculqué la honte d’être occitans, de parler une des plus vieilles et plus belles langues d’Europe. J’ai voulu leur rendre leur dignité et si c’était à refaire, je le referais. 5 »
Il a traversé plusieurs déserts dans sa longue carrière d’écrivain, une des plus longues et des plus solides qui soit. Il a connu le mépris de la même presse qui l’encense (relativement) aujourd’hui. Il a la plume acérée et le regard lucide. « La liberté de la presse, écrivait-il en 1982, c’est le monopole inconditionnel de la censure… Nous en savons quelque chose dans notre région où l’occitan et ceux qui le défendent n’ont droit qu’au silence quand ce n’est pas à l’insulte ou au mépris. 6 »
Dans Les Roseaux de Midas, journal d’écrivain publié en 1990, qui rassemble des notes de 1948 à 1987, la figure centrale est celle du Phrygien Midas. Max Rouquette est hanté depuis sa jeunesse par cette fable du roi aux mains d’or et aux oreilles d’âne. Il en donne une version très personnelle, plusieurs fois remaniée et méditée : Midas représente l’écrivain, torturé par un secret dont il se délivre en creusant un trou dans la boue, jusqu’à ce que l’eau affleure, et, la bouche contre terre, il confie son secret au « grand fleuve limpide qui mêle ses eaux à celles du temps. » Les roseaux à l’entour bruissent, mais peu importe ce qu’ils disent ou ne disent pas à tous les vents. C’est dire qui importe. C’est « écrire chaque jour, non pour publier, seulement pour soi, faire jaillir l’eau pour ne pas tarir la source… » Mais Max Rouquette publie, n’a jamais cessé de publier. Et les pages ont « plus de langues, dit-il, que les milliers de langues des roseaux du roi. 7 »
Claire Torreilles, « Les Roseaux de Midas » in Europe n° 950-951, juin–juillet 2008, pp. 179-180 ; p. 192.
1. J. Vilacèque, Midi-Libre, 24 septembre 2000.
2. V. Hernandez, La Gazette de Montpellier, octobre 1993.
3. V. Hernandez, op. cit.
4. S’il n’avait pas écrit en occitan… « Il est vain de se dire que peut-être il aurait été Gracq ou Giono, un de ces écrivains qui puisent dans leur terre et irriguent le monde. A lui les prix, sans doute, le Nobel peut-être… » (J. Vilacèque, Midi Libre, 25 juin 2005). Ecrire dans une langue qui meurt, cela ne facilite pas la diffusion, surtout quand on connaît l’incapacité des chambres d’échos parisiennes à rendre compte d’autres voix que les leurs. » (Pierre Serre, La Gazette de Montpellier, 12-18 mai 2006).
5. J. Vilacèque, Midi Libre, 1er février 2004.
6. Las Canas de Midàs / Les Roseaux de Midas, IEO, 1990.
7. Las Canas de Midàs / Les Roseaux de Midas, à la date du 12 juin 1976.
MAX ROUQUETTE
D.R. Ph. © Georges Souche
Source
Voir aussi :
- le site Max Rouquette, poète, écrivain, homme de théâtre (site officiel mis en ligne en février 2008) ;
- (sur Cardabelle, l'esprit d'une terre) Max Rouquette, l'enchanteur.
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