Le
5 mai 1821 meurt à Longwood, sur l'île de Sainte-Hélène
Napoléon Bonaparte.
Source
CHATEAUBRIAND, VIE DE NAPOLÉON, EXTRAIT
Vers la fin de février 1821, Napoléon fut obligé de se coucher et ne se leva plus. « Suis-je assez tombé ! murmurait-il : je remuais le monde et je ne puis soulever ma paupière ! » Il ne croyait pas à la médecine et s’opposait à une consultation d’Antomarchi* avec des médecins de Jamestown. Il admit cependant à son lit de mort le docteur Arnold**. Du 15 au 25 avril, il dicta son testament ; le 28, il ordonna d’envoyer son cœur à Marie-Louise ; il défendit à tout chirurgien anglais de porter la main sur lui après son décès. Persuadé qu’il succombait à la maladie dont avait été atteint son père, il recommanda de faire passer au duc de Reichstadt le procès-verbal de l’autopsie : le renseignement paternel est devenu inutile ; Napoléon II a rejoint Napoléon Ier.
À cette dernière heure, le sentiment religieux dont Bonaparte avait toujours été pénétré se réveilla. Thibaudeau, dans ses Mémoires sur le Consulat, raconte, à propos du rétablissement du culte, que le Premier Consul lui avait dit : « Dimanche dernier, au milieu du silence de la nature, je me promenais dans ces jardins (la Malmaison) ; le son de la cloche de Ruel vint tout à coup frapper à mon oreille, et renouvela toutes les impressions de ma jeunesse ; je fus ému, tant est forte la puissance des premières habitudes, et je me dis : S’il en est ainsi pour moi, quel effet de pareils souvenirs ne doivent-ils pas produire sur les hommes simples et crédules ? Que vos philosophes répondent à cela ! […] et, levant les mains vers le ciel : Quel est celui qui a fait tout cela ? » [...]
Bonaparte, donnant à Vignali*** les détails de la chapelle ardente dont il voulait qu’on environnât sa dépouille, crut s’apercevoir que sa recommandation déplaisait à Antomarchi ; il s’en expliqua avec le docteur et lui dit : « Vous êtes au-dessus de ces faiblesses : mais que voulez-vous, je ne suis ni philosophe ni médecin ; je crois à Dieu ; je suis de la religion de mon père. N’est pas athée qui veut […] Vous êtes médecin […] Ces gens-là ne brassent que de la matière ; ils ne croient jamais rien. » […]
Le 3 mai, Napoléon se fit administrer l’extrême-onction et reçut le saint viatique. Le silence de la chambre n’était interrompu que par le hoquet de la mort mêlé au bruit régulier du balancier d’une pendule : l’ombre, avant de s’arrêter sur le cadran, fit encore quelques tours ; l’astre qui la dessinait avait de la peine à s’éteindre. Le 4, la tempête de l’agonie de Cromwell s’éleva : presque tous les arbres de Longwood furent déracinés. Enfin, le 5, à six heures moins onze minutes du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima argile humaine. Les derniers mots saisis sur les lèvres du conquérant furent : « Tête… armée, ou tête d’armée. » Sa pensée errait encore au milieu des combats. Quand il ferma pour jamais les yeux, son épée, expirée avec lui, était couchée à sa gauche, un crucifix reposait sur sa poitrine : le symbole pacifique appliqué au cœur de Napoléon calma les palpitations de ce cœur, comme un rayon du ciel fait tomber la vague.
Chateaubriand, Vie de Napoléon (livre XIX à XXIV des Mémoires d'outre-tombe), Éditions de Fallois, 1999 ; Le Livre de Poche, Classiques de poche, pp. 488-489-490. Édition de Pierre Clarac revue par Gérard Gengembre.
* Antomarchi [Francesco Antommarchi, 1789 - 1838, originaire de Morsiglia, dans le Cap Corse], médecin envoyé à Napoléon par le cardinal Fesch avec deux prêtres.
** Arnold, médecin anglais.
*** Vignali, l’un des deux prêtres envoyés à Napoléon par le cardinal Fesch.
Quelle horreur de se voir agoniser comme ça pendant 20 jours...
Tato
Rédigé par : Tato | 06 mai 2008 à 15:05
Quelle stupidité sordide surtout (des raisons familiales de gros sous...) d'avoir envoyé à Sainte-Hélène un médecin aussi nul qu'Antommarchi...
Rédigé par : Yves | 06 mai 2008 à 17:27
Ivucciu, voici quelques opinions sur Antommarchi… trouvées sur le site suivant:
Dr Keith :
Antommarchi appartient à un genre bizarre d’hommes, produit de nos laboratoires de recherches et pleins d’enthousiasme pour la science. En dehors de leurs laboratoires, ces hommes équilibrés dans leurs jugements et dans leurs actes lorsqu’on les mesure par le Standard ordinaire de la vie commune.
A l’intérieur du laboratoire, ils sont chez eux, leurs yeux sont ouverts, ils voient clair, leurs cerveaux cherchent des énigmes là où le simple mortel ne voit rien. »
Lord Rosebury reconnaît à Antommarchi un seul mérite, d’être un bon prosecteur, et un seul service (et ce service efface tous les mensonges de son livre): « Il a pris le moulage de la figure de Napoléon après sa mort».
F. Masson écrit :
« Ce terrible homme, affolé de vanité, d’ambition et de lucre, familier, audacieux, toujours hors de propos, se croyait égal à tous sinon supérieur, avec une étonnante idée de soi que complétèrent une ignorance tranquille et un imperturbable aplomb ».
« II eût fallu un médecin français ayant acquis une compétence, fait des études, subi des examens, suivi l’hôpital, ayant appartenu à sa maison, connaissant son tempérament, capable de suivre, de décrire une maladie, peut-être d’y porter remède. Il fut livré à une espèce d’anatomiste florentin qui n’avait jamais exercé la médecine et qu’on disait avoir été envoyé exprès pour l’autopsie ».
Lenôtre:
« Si quelqu’un n’était pas destiné à la gloire, c’était bien ce petit frater qui en 1818 était préparateur de dissections à l’amphithéâtre de Florence. Il s’appelait François Antommarchi – il avait 29 ans – né en Corse, il était resté jusqu’à l’âge de quinze ans sans maîtres : à peine parlait-il français. Venu à Florence pour y étudier l’anatomie, il ne semble pas qu’il obtint le diplôme de docteur ; bien que plus tard il se parât de ce titre, il reste un simple amateur et il n’avait guère exercé quand à la fin de l’année 1818 le Cardinal Fesch (l’oncle de Napoléon) le désigna pour être le médecin de Napoléon à Sainte-Hélène ».
Octave Aubry: (« L’autopsie de Napoléon par Antommarchi ».)
« Tous les assistants suivent avec la plus grande attention les gestes d’Antommarchi qui disséquait habilement. Les médecins anglais discutent autour de cette autopsie brutale, où les opinions s’affrontent devant un cadavre béant et un carabin pérore en découpant comme à l’étal, les viscères de Napoléon ».
Avec toutes mes excuses pour Florence A. , brillante journaliste, une de ses descendantes que j’ai eu l’occasion de croiser …
Amicizia
Guidu ___
Rédigé par : Guidu | 13 mai 2008 à 11:42