Le
26 avril 1798 naît à Charenton-Saint-Maurice (près de Charenton)
Ferdinand-Eugène-Victor Delacroix.
Source
DELACROIX, LA BARQUE DE DANTE
Entré en 1816 à l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin, Delacroix manifeste très tôt son hostilité envers l’académisme prôné par son maitre. Ses premières œuvres — la Vierge des moissons (1819, église d’Orcemont), la Vierge du Sacré-Cœur (1821, cathédrale d’Ajaccio) — sont marquées par l’influence italienne. En 1821, Delacroix déclare à son ami Soulier : « Je désirerais vivement faire un tableau pour le Salon prochain, surtout s’il pouvait quelque peu me faire connaître ». Ce sera la La Barque de Dante, présentée au Salon de 1822. Avec cette peinture, proche de l’esprit de son ami Géricault, Delacroix signe sa rupture avec Guérin et avec les années d’apprentissage. Dans le même temps, sa lecture exaltée de l’œuvre de Dante ouvre grande la voie à son musée imaginaire. Les ombres spectrales du poète se changent en masses musculeuses conviées à un étrange « ballet nautique ». Sous la brosse de Delacroix le monde des damnés de La Divine Comédie de Dante se mue en une vision charnelle d’où semble exclue toute Rédemption. Une vision sans Dieu. Un enfer sans paradis ni purgatoire.
Inspirée de l'Enfer de Dante, cette huile sur toile (189 x 241,5 cm), propriété du Louvre, narre un épisode de la descente aux enfers du poète florentin. Sur fond de tempête et d'incendie, Dante, accompagné de Virgile, son maître et son guide, affronte avec effroi les cercles de l'enfer dont il est le créateur, et les créatures dont il les a peuplés. La barque tente de rejoindre Dis, cité de Lucifer et des damnés. La chaloupe, qui occupe toute la largeur du tableau, porte à l'avant de la coque, le nom du peintre et la date de création de la toile : 1822.
Dressés dans la tempête, portés par une tension extrême, Dante et Virgile sont debout dans la barque. Dante, main levée en signe de crainte, semble vouloir se protéger des visions qui l’assaillent et s’agrippe au bras de son guide. Dans la barque également, dos tourné aux deux passagers, le nocher, Phlégyas au corps musculeux creusé par l’effort, lutte pour refouler l’homme qui cherche désespérément à monter dans la barque. Tout autour de la chaloupe, des naufragés, corps flottants, visages convulsés par la souffrance et l’effroi ; et des cadavres putréfiés, mangés de sanies.
La composition pyramidale de la toile permet à Delacroix de faire jouer les forces en opposition. D’un côté, en position dominante, le couple aristocratique des deux poètes, drapés dans leurs tuniques amples. Dante le vivant, visage ceint d’une coiffe rouge feu, profil anguleux et angoissé, Virgile le mort, visage calme auréolé de lauriers. Tous deux témoins de la lutte impuissante des Florentins pour échapper aux souffrances éternelles. De l’autre côté, Phlégyas courbé au-dessus de l’embarcation. Étirés le long de la barque, les corps des damnés, chairs torturées dans la douleur.
Exposé au Salon dès le 24 avril 1822, le tableau est diversement accueilli par la critique. Mais il suscite l’admiration de Gros et de Thiers et est acheté par l’État.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
Ph. Angèle Paoli développée par G.AdC
CANTO OTTAVO
25 Lo duca moi discese nella barca,
e poi mi fece entrare appresso lui,
e sol quand’io fui dentro parve carca.
28 Tosto che il duca ed ion el legno fui,
segando se ne va l’antica prora
dell’acqua più che non suol con altrui.
31 Mentre noi correvam la morta gora,
dinanzi mi si fece un pien di fango,
e disse : « Chi se’ tu, che vieni anzi ora ? »
34 E io a lui : « S’io vegno, non rimango :
ma tu chi se’, e che sì se’ fatto brutto ? ».
Rispose : « Vedi che son un che piango ».
37 E io a lui : « con piangere e con lutto,
spirito maledetto, ti rimani ;
ch’io ti conosco, ancor sie lordo tutto ».
40 Allora stese al legno ambo le mani ;
per che il maestro accorto lo sospinse,
dicendo : « Via costà con gli altri cani ! ».
43 Lo collo poi con le braccia mi cinse,
baciommi il vólto, e disse : « Alma sdegnosa,
benedetta colei che in te s’incinse ! »
Dante Alighieri, La Divina Commedia, Inferno, Rizzoli Editore, 1949, pp. 47-48.
CHANT HUIT
25 Mon guide alors descendit dans la barque,
puis il m’y fit pénétrer à sa suite :
c’est quand j’y fus qu’elle parut pesante.
28 Dès que le guide et moi fûmes à bord,
l’antique proue s’en va, sciant les eaux
plus profond qu’avec d’autres passagers.
31 Tandis que nous courions la morte mare,
je vis surgir un être plein de fange :
« Qui es-tu, toi, pour venir avant l’heure ? »,
34 dit-il. Et moi : « Si je viens, je ne reste.
Mais qui es-tu, pour t’être fait si laid ? »
Il répondit : « Tu vois : quelqu’un qui pleure. »
37 Et moi, à lui : « Avec larmes et deuil,
esprit maudit, reste donc à ta place ;
car je te reconnais, même crotté ! »
40 Lui, étendit ses deux mains vers la barque
d’où mon maître en éveil le repoussa,
disant : « va-t’en , avec les autres chiens ! ».
43 Puis, de ses bras il m’entoura le cou,
baisa ma face et me dit : « Âme altière,
que soit bénie celle qui te porta ! »
Dante, La Divine Comédie, Enfer, VIII, in Œuvres complètes, La Pochothèque, Le Livre de Poche Classiques Modernes, 1996, p. 628. Traduction sous la direction de Christian Bec.