TWO HANDS
From the sea came a hand,
ignorant as a penny,
troubled with the salt of its mother,
mute with the silence of the fishes,
quick with the altars of the tides,
and God reached out of His mouth
and called it man.
Up came the other hand
and God called it woman.
The hands applauded.
And this was no sin.
It was as it was meant to be.
I see them roaming the streets:
Levi complaining about his mattress,
Sarah studying a beetle,
Mandrake holding his coffee mug,
Sally playing the drum at a football game,
John closing the eyes of the dying woman,
and some who are in prison,
even the prison of their bodies,
as Christ was prisoned in His body
until the triumph came.
Unwind, hands,
you angel webs,
unwind like the coil of a jumping jack,
cup together and let yourselves fill up with sun
and applaud, world,
applaud.
Anne Sexton, The Awful Rowing Toward God (1975), in The Complete Poems, Boston, Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, p. 421.
DEUX MAINS
La mer apporta une main,
aussi niaise qu’un sou,
corrodée par le sel de sa mère,
rendue muette par le silence des poissons.
Elle arriva rapide sur l’autel de la mer
et Dieu la saisit de Son Verbe
et il l’appela homme.
L’autre main monta à la surface
et Dieu l’appela femme.
Les mains applaudirent.
Et ceci n’était pas un péché.
C’était comme cela devait être.
Je les vois sillonnant les rues :
Levi se plaint de son matelas
Sarah scrute un cafard
Mandrake tient dans la main une tasse de café
Sally joue du tambour lors d’une partie de football
John ferme les yeux de la femme à l’agonie
il y en a qui sont en prison,
et même dans la prison de leur corps,
comme le Christ fut prisonnier de Son corps
avant que le triomphe advint.
Déliez-vous, mains,
vous angéliques lacis,
déliez-vous comme le ressort d’une sauterelle
unissez-vous en forme de coupe et emplissez-vous de soleil :
et maintenant, applaudissements, monde,
applaudissements.
Traduction Angèle Paoli
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NOTE d’AP :
C’est au cours de ma lecture du recueil Nel bosco (Einaudi, 2007), et plus particulièrement de La Surprise dans l’œuf (La sospresa nell’uovo) d’Elisa Biagini que je suis « tombée » sur cette troublante dédicace à Anne Sexton : « Fact : death too is in the egg/Constat : la mort aussi est dans l’œuf » (The Operation, 2, All My Pretty Ones, 1962 ; in The Complete Poems, Boston, Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, p. 57). D’où le choix du poème ci-dessus. Choix qui acquiert une pertinence accrue pour qui sait qu'Elisa Biagini a enseigné aux Etats-Unis et a édité en 2006 chez Einaudi une anthologie des nouveaux poètes américains.
En dehors de la Toile, il n’existe pas encore de traduction française de la poésie d’Anne Sexton*. Pas davantage de traduction française de quelque recueil que ce soit d’Elisa Biagini **. Ci-dessous, trois poèmes d’Elisa Biagini, rencontrée vendredi 18 avril 2008 aux Premières rencontres poétiques de Fiesole.
Elisa Biagini sera le 13 mai 2008 l’invitée du Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (en partenariat avec l’Institut Culturel Italien et le département d’italien). Elle y parlera notamment de son expérience d’écriture.
* A paraître en 2021, aux éditions des Femmes, une édition française des poèmes d'Anne Sexton, sous la conduite de Sabine Huynh.
** Depuis la rédaction de cette note (avril 2008), plusieurs poèmes ont été publiés et traduits en français dans la revue Italies (Revue d’études italiennes, Université de Provence, Poètes italiens d’aujourd’hui, 2009/1, n° 13, pp. 43-54), précédés d’une communication d’Estelle Ceccarini (maître de conférence à l’Université de Provence)[« La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde » ( id., pp. 27-42)], et également dans la revue Inuits dans la jungle (numéro 5, janvier 2014), dans une traduction de Jean Portante. La traduction que j'ai effectuée des trois poèmes ci-dessous a aussi été publiée dans le premier numéro de la revue de poésie Place de la Sorbonne (mars 2011, pp. 129-131), en même temps qu'une notice sur Elisa Biagini (page 158). En 2017 a paru aux éditions Cadastre8zéro (dans la collection Donc dirigée par Bernard Noël) la traduction française de Da una crepa, par Roland Ladrière et Jean Portante : Depuis une fissure.
VOCE SCRITTA
Voce scritta
sul vetro, pelle
affondata di
lana, unghie come
cadute sul tappeto:
ma per te ho
scarpe di
campanelli, ogni
voltarmi carta
vetrata sul tuo
muro.
Elisa Biagini, La sorpresa nell’uovo in Nel bosco, Giulio Einaudi Editore, 2007, p. 60.
Ph., G.AdC
VOIX ÉCRITE
Voix écrite
sur le verre, peau
coulée de
laine, ongles comme
tombés sur le tapis :
mais pour toi j’ai
des chaussures à
clochettes, chaque
fois que je me retourne papier
de verre sur ton
mur.
Traduction Angèle Paoli
PERDUTA ?
Perduta ? è il bosco
che mi segue, che beve
la mia ombra, mi
svuota, tronco cavo:
io foglia, tra le
pagine di un libro.
Elisa Biagini, Gretel o del perdersi, in Nel bosco, p. 110.
Ph., G.AdC
PERDUE ?
Perdue ? C’est le bois
qui me suit, qui boit
mon ombre, me
vide, tronc creux :
moi feuille, entre les
pages d’un livre.
Traduction Angèle Paoli
NEL BOSCO
Nel bosco
gli occhi sono
sganciati come
bottoni, la bocca
un’asola.
Il viso tutto
un pugno che
si chiude.
Elisa Biagini, Gretel o del perdersi, in Nel bosco, p. 121.
Ph., G.AdC
DANS LE BOIS
Dans le bois
les yeux sont
dégrafés comme
des boutons, la bouche
une boutonnière.
Le visage entier
un poing qui
se ferme.
Traduction Angèle Paoli
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Ami(e)s de Terres de Femmes, voilà du beau travail : nous faire découvrir deux poètes d'un coup, et pas n'importe lesquelles !
J.-M.P.
Rédigé par : Jean-Marie | 20 avril 2008 à 19:23
Merci Jean-Marie et bravo ! Quelle belle réactivité ! Et pour nous le plaisir de vous retrouver, ami enthousiaste et fidèle accompagnateur de mes dernières découvertes.
Rédigé par : Angèle Paoli | 20 avril 2008 à 19:39
...au chaleureux commentaire de Jean-Marie
"...nous faire découvrir deux poètes..."
j'ajouterais : ...et retrouver la poète-Angèle
avec ses chaleureuses traductions-poésies !
bisousdebonjour !
Rédigé par : madeinfranca | 22 avril 2008 à 08:07
Salve, Franca amica, ti ringrazio tanto della tua incoraggiante presenza.
Dante ci fù sempre accanto durante questi giorni trascurati in Toscana. Mi manca già troppo quel bel paese! Ne ho una profonda nostalgia, che succede come sempre, dopo, all'improvviso.
Rédigé par : Angèle Paoli | 22 avril 2008 à 12:23