Les Trois Moires [A Golden Thread]
par John Melhuish Strudwick (1849-1937),
un peintre pré-raphaélite tardif, disciple
de Burne-Jones.
Huile sur toile,
72,4 x 42,5 cm
1885
Tate Gallery, Londres
UN TIEMPO QUE HILAN LAS MUJERES
Un tiempo que hilan las mujeres
antiguo como la sal, la piedra, la serpiente
Tiempo que abre la puerta al teatro oscuro
con su complejo diagrama de muertos y de vivos
Convergiendo los hilos del futuro, del pasado
preparando ansiosas en la noche
la trama del mundo, la vida urdida
calculando el punto
ascendiendo y descendiendo
La experiencia y el sentido
olvidando los tapices
polvo de las cunas vacías
Extraña verticalidad
hilvan en este tejido de palabras
enumeraciones minuciosas
suerte de confecciones hacia dentro
Cuando el tiempo se detiene
cuando la aguja detiene su ritmo
y cada sombra toma posesión del cuarto
Concentración religiosa de la pequeña araña que crea un nudo invisible en su lienzo
hecho de un río de venitas transparentes
Balanceándose como trapecista
Final del principio
Principio del final
Las causas coincidiendo
por errantes laberintos.
Vivian Lofiego, Naturaleza inmóvil, Alción Editora, Córdoba, Argentine, 2003.
UN TEMPS QUE LES FEMMES FILENT
Un temps que les femmes filent
ancien comme le sel la pierre le serpent
Un temps qui ouvre la porte au théâtre obscur
avec son diagramme complexe de morts et de vivants
En croisant les fils de l’avenir et du passé
Elles préparent anxieuses dans la nuit
la trame du monde, la vie ourdie
et calculant le point
montant et descendant
L’expérience et le sens
oubliant les tapisseries
poussière des berceaux vides
Étrange verticalité
bâtie dans ce tissu de mots
énumérations minutieuses
possible confection vers l’intérieur
Lorsque le temps s’arrête
Lorsque l’aiguille retient son rythme
et que chaque ombre prend possession de la chambre
La concentration religieuse de l’araignée
crée un nœud invisible dans sa toile
faite d’un fleuve de veinules transparentes
Elle se balance comme un trapéziste
Fin de l’origine
Origine de la fin
Les causes qui coïncident
Dans les labyrinthes errants.
Vivian Lofiego, Nature immobile, Première partie, in Pierre d’infini, L’Atelier des Brisants, Collection Les Sèvres de la foudre, 2005, pp. 19-20. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Couffon. Préface de Bernard Noël. Postface de Jean-Pierre Luminet.
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C'est tout simplement superbe. Je ne connaissais pas cette poète.
J'avais écris en son temps un poème sur une fileuse qui filait ses propres cheveux... c'était un peu noir.
Ici, on sent un ancrage dans ce qui nous fonde depuis la nuit des temps.
C'est très beau.
Rédigé par : Viviane | 02 février 2008 à 18:27
Encore une Pénélope! Il est très beau ce poème qui mêle l'immobilité de la fileuse au doux balancement de l'araignée, et la verticalité du fil à l'horizontalité du temps.
La traduction de la première phrase m'étonne, pas vous?
Émilie
Rédigé par : Emilie Delivré | 04 février 2008 à 10:47
Les morts/les vivants, l'avenir/le passé, le temps s'arrête. J'ai davantage pensé aux Trois Parques (Moires) - métaphore de la vie et de la mort - qu'à Pénélope. D'où l'illustration qui a été choisie.
Non, Emilie, rien ne m'étonne dans la traduction du premier vers. Il est vrai que je fais a priori plutôt confiance à Claude Couffon, qui est le premier à avoir introduit Garcia Lorca en France, et aussi à l'auteure, Vivian Lofiego, qui vit depuis dix-huit ans à Paris où elle a été notamment traductrice pour le département Dictionnaires des éditions Larousse.
Amicizia,
Angèle
Rédigé par : Angèle | 04 février 2008 à 12:37
Quel magnifique poème !
Je ne connaissais pas, moi non plus, cette poète. Aurais-je le temps, un jour, de lire tout ce que j'ignore encore ?
Evidemment, Angèle, que ce sont les 3 Parques ! Tu as raison...
Il me revient en mémoire La Jeune Parque de Valéry qui a bercé mon adolescence. Moments inoubliables de lecture et relecture fiévreuse...
Rédigé par : agnès | 05 février 2008 à 11:04
En fait, je pensais plutôt que le premier vers équivaudrait, en français, à "Du temps où les femmes filaient", mais mon espagnol est approximatif. En fait, j’aime bien l’idée qu’une traduction puisse doubler le sens du vers original, le décupler, en quelque sorte (avec l’assentiment de l’auteur, bien sûr) ! Il est vrai que, a priori, on a l’impression qu’une traduction, nécessairement, appauvrit un poème.
Pour l’illustration, les deux Parques de gauche me rappellent certaines gravures de Goya...
Rédigé par : Emilie | 05 février 2008 à 11:21
Pénelope est une Moire
elle file en secret la toile de l’aimé
destin que je t’assigne et qui m’est assigné
chaque fois répété à l’aube aux doigts de roses
c’est vie multipliée que je tisse en secret
c’est ta vie et puis l’autre, et celle de demain
et entre les filets ces choses de la vie
qui restent et aussi vont et puis parfois reviennent
elle file en secret pour que l’amant revienne
avec ses trente vies toujours recommencées
qu’elle est longue
qu’elle est longue
cette corde à son coup
qu’elle file contre elle, qu’elle file pour Vous
qui n’en finissez pas de revenir
qu’il est long ce devenir d’Ulysse
qui ne cesse de venir à nous, et puis naufrage
ou se perd,
ou trompe la mer,
ou poursuit la Divine,
mensonge le destin,
déraisonne ses dieux
Pénélope est une Moire
qui tisse le retour
et détisse le soir
et rallonge le fil à l’envi du voyage
afin qu’il ne se rompe
comme une lumière
Rédigé par : Emilie Delivré | 06 février 2008 à 13:01