Image, G.AdC
LA TERRE ROUGE
La terre rouge, une déchirure de nuit, les grands grumeaux de terre éclatant dans les vignes. La sueur rousse écartelée. Un prieuré sévère en pierres de sable s'écoulant dans les chênes, les vignes comme une rose non encore ouverte au prisme de verdure. Le vert et le rouge échangent des provocations d'amour. Le silence éclate au cœur.
Les dédales d'un labyrinthe brûlant dans le vent des pierres, comme un marché au désert, et parfois une oasis de platanes à l'ombre d'un jardin retiré, la brûlure d'une traversée silencieuse dans les ruelles de la ville, puis l'ombre recueillie d'une maison offerte au sable. La fresque porte la lumière, trois fois ourlée des cordelettes de prière.
Sur les murs de la maison qui va être détruite, les taches de couleur, les oiseaux, les marques du désir ont laissé une colle rose. Les couleurs éclaboussent le matin, dans les formes enfantines d'un trait mal défini. Le sabre entre les cuisses, la fresque viole la lumière dans une fin d'après-midi qui doit mourir.
Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans la lumière.
Béatrice Bonhomme, Courbe de calligraphie silencieuse (extrait) in Revue Nu(e), 34, septembre 2006, page 97.
Ph., G.AdC
« Il a fallu longtemps laisser couler le bleu de l'encre pour réparer le gris des choses. »
id., p. 99.
Rédigé par : Jean-François Agostini | 19 février 2008 à 00:36
Très souvent, j'aime les textes que vous publiez. Les vôtres, toujours. La découverte de certains textes ou auteurs me plaît. "Illustrés" ou non, légendés par la « souris » ou pas. Ce matin, l'image avant le billet... J'avais bien sûr lu le titre sur le fil « Béatrice Bonhomme/La terre rouge » ... L'image, la photographie - première vue, première lue, puis... lu le texte de Béatrice Bonhomme – Beau. Alors là, l'image me choque, me gêne. Trop crue ? Trop concrète ? Trop visible ? Trop ?
Angèle, merci d'offrir votre texte quotidien.
Ellise (en réaction à chaud).
Rédigé par : Ellise | 19 février 2008 à 08:39
Merci, Ellise, pour cette réaction à chaud. J'en apprécie la sincérité et la justesse d'analyse. L'image en effet, très incisive, crissante et stridente, captait le texte et en orientait la lecture. J'ai donc pris la décision de la réduire et de la déplacer. De sorte qu'elle soit perçue comme un point d'orgue du texte.
Rédigé par : Angèle | 19 février 2008 à 13:02
Et bien moi j'aime justement la violence et la déchirure sensuelle de ce vocabulaire, le sang sur le tranchant des rochers : tout cela m'évoque la douleur à dire, les hurlements intérieurs. Et puis, chaque phrase abrupte est suivie d'une autre plus douce et apaisée, comme un mouvement intime qui va et vient d'un extrême à l'autre.
Fidèlement, même si silencieusement, vôtre.
France
Rédigé par : France | 25 février 2008 à 13:45