D.R. Ph.
ESSAI IV
la lumière arrive frontale et pose une grande chape de silence amer / l’amertume c’est ce goût de silence quand la parole s’est terrée au fond de la bouche
la lumière arrive / elle plie le jour à une mesure sans mesure / la lumière n’a pas de bord / ne borde pas / elle remplit ce qui n’a pas de forme et on la reconnaît à sa texture dans la gorge ou sur la peau / il y a des jours où on ne supporte plus son poids ni son regard trop profond / on va alors dans un intérieur et on rêve d’hirondelles sans envol / on plonge dans une ombre apaisante pour la parole et seul l’évitement a lieu / il ne reste que l’ivresse du ciel extérieur et la ligne d’horizon de la porte fermée / le jour grince et la mémoire s’affole / ne peut plus voyager / trop lourde/ la monnaie d’étincelles n’est plus qu’argent sans éclat / il faudrait un peu de silence gratuit / de la simple présence pour que le jour se lève et que ce soit l’aurore / il faudrait / il faudrait / on ne sait pas tous les désormais qui sommeillent en nous / comme nous ne verrons jamais la lumière en face sans peur de disparaître dans sa violence
Jeanne Bastide, Intimité de la lumière, sérigraphies de Yves Picquet, Édition Double Cloche, 2007.
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...de la simple présence pour que le jour se lève et que ce soit l’aurore / il faudrait / il faudrait / on ne sait pas tous les désormais qui sommeillent en nous / comme nous ne verrons jamais la lumière en face sans peur de disparaître dans sa violence...
C'est au moins la 4e fois que je relis ce texte . Il crée en moi un appel d'air, une violente résonance. Il cherche un écho que je lui refuse. Troublée.
Rédigé par : agnès | 29 janvier 2008 à 15:40
C'est un très beau texte, très profond, qui ne se laisse ni saisir ni enfermer. Et qui nous happe, toi et moi, mais d'autres aussi, sans doute. Il faudrait le mettre à plat, pour le déplier, comme la lumière dont il se fait l'écho et déplier aussi, dans le même temps les multiples efflorescences qu'il libère en surface, comme des ondes, légères mais pas vraiment, comme ça, sans en avoir l'air. C'est Jeanne Bastide. C'est elle, dans ce tremblé de l'écriture.
Rédigé par : Angèle Paoli | 29 janvier 2008 à 22:16