Jacques-Louis David (1748–1825) La Mort de Socrate, 1787 Huile sur toile, 129,5 x 196,2 cm New York, Metropolitan Museum of Art. Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund, 1931.
« On n’a jamais lu chez aucun auteur ancien qu’on se soit tué par ennui de la vie, alors que la chose est courante chez beaucoup de nos modernes. Voyez le Suicidio ragionato [Suicide raisonnable] de Buonafede *. Et parce que de tels faits se produisent aujourd’hui principalement en Angleterre, on croit que c’était une chose commune en ce pays, jusque dans les temps anciens, même si l’on n’en a pas le souvenir. Les poèmes d’Ossian nous montrent combien les anciens habitants de ce pays étaient loin de concevoir l’absolue nécessité du néant et l’ennui de la vie, et plus loin encore de se désespérer et de se tuer pour cela. Les anciens Celtes et les autres peuples de l’Antiquité se tuaient à cause d’un désespoir né de passions et d’infortunes qui n’étaient jamais considérées comme absolument inévitables et inhérentes à la condition humaine, mais propres au désespoir individuel, fruit de l’infortune et du malheur. Le désespoir et le découragement devant la vie en général, la haine de la vie en tant que vie humaine (et non individuellement et accidentellement malheureuse), la misère à laquelle est inévitablement destinée notre espèce, le néant et l’ennui inhérents et essentiels à notre vie, l’idée en somme selon laquelle notre vie par elle-même n’est pas un bien, mais un fardeau et un malheur, n’a jamais effleuré un esprit antique ni un esprit humain avant ces derniers siècles. Au contraire les anciens étaient poussés au suicide et au désespoir précisément parce qu’ils estimaient et se persuadaient qu’ils étaient impuissants, à cause de malheurs individuels, à obtenir et à jouir de ces biens de l’existence auxquels ils croyaient.» Giacomo Leopardi, Zibaldone, Éditions Allia, 2003, pp. 288-289. Traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Schefer.
|
GIACOMO LEOPARDI Source ■ Giacomo Leopardi sur Terres de femmes ▼ → 6 novembre 1820 | Leopardi, Zibaldone (extraits + article) → 2 janvier 1821 | Leopardi, Zibaldone → À Silvia ■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) Antonio Tabucchi | Rêve de Giacomo Leopardi, poète et lunatique |
Retour au répertoire du numéro de janvier 2008
Retour à l' index de l'éphéméride culturelle
Retour à l' index des auteurs
Retour à l'index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.