Fusil de Voltigeur corse, calibre 12
Ajaccio - Plateau de Cauria - Mardi 28 novembre 1893
Bien avant l’aube, tandis que nous nous préparions, Holmes m’expliqua que le lieutenant O’Near, ainsi que le troisième homme que j’avais aperçu la veille, était déjà parti pour Sartène.
― S’il ne s’est pas présenté hier, me confia Holmes, c'est qu’il tient à la plus grande discrétion, vous l’imaginez. Il s’agit de l’officier supérieur de gendarmerie en qui notre ami Le Villard a toute confiance. Lui et le petit groupe d’hommes qu’il a sélectionné surveillent le repaire de Moriarty. Ils sont également chargés d’assurer notre sécurité, ajouta-t-il en sortant de sa chambre avec une sorte de long et étroit étui de cuir marron qu’il portait en bandoulière sur une épaule.
― Qu’avez-vous donc là, Holmes ? Votre équipement de géomètre ?
― Non, mon ami, répondit Holmes, impassible. Là où nous allons, Pandolfi, ce bagage est seulement plus pratique et plus discret que mon étui à violon.
― Ce dernier ne contenait donc pas d’instrument ? demandais-je en examinant la forme cylindrique de ce tube de cuir et en m’interrogeant sur ce qu’il pouvait contenir.
― Un instrument ? répéta Holmes. Bien sûr, Pandolfi, qu’il s’agit d’un instrument. Oui, mais il n’est pas à cordes : il est à vent.
― À vent ! m’exclamai-je. Avez-vous l’intention de jouer de la flûte pour apprivoiser votre serpent de Sartène, Holmes ?
― Modérez votre curiosité, Pandolfi, répondit Holmes en m’invitant à quitter notre appartement. Vous comprendrez avant notre arrivée à Sartène.
Il faisait nuit encore lorsque nous retrouvâmes Ours-Antoine à l’entrée de l’hôtel. Toujours silencieux, le policier nous installa dans une haute et lourde voiture fermée attelée de quatre chevaux, qui remplaçait l’ordinaire calèche, impropre pour un tel voyage. Nous quittâmes Ajaccio aux premières lueurs de l’aube […]
Tandis que je m’approchai, en proie à une vive curiosité, Holmes retira de son cylindre de cuir bouilli une sorte d’étrange fusil.
― Votre violon a pris une curieuse forme, Holmes ! dis-je, aussi intéressé qu’Ors’Anto, qui ne quittait pas des yeux l’arme insolite que Sherlock Holmes tenait dans ses mains.
― Un fusil à vent, messieurs, déclara le détective. Une arme admirable et puissante qui ne fait pas de bruit.
― D’où provient cet instrument silencieux ? demandai-je.
― Cette arme est unique en son genre, répondit Holmes. C’est la copie conforme de celle que l’ingénieur allemand von Herder a construite, il y a plusieurs années, à la demande du professeur Moriarty. Voici les projectiles qui s’y adaptent, conclut-il en nous montrant une poignée de balles de gros calibre.
― Cette arme est faite pour la chasse aux fauves d’Afrique, monsieur Holmes ! dit en hochant la tête à plusieurs reprises le policier Ors’Anto. Sa crosse est bien étrange.
― Vous ne croyez pas si bien dire Ours-Antoine. Moriarty l’avait commandée à von Herder pour l’offrir à son second, le colonel Moran, grand amateur d’armes et auteur, en 1881, de La Chasse aux fauves dans l’ouest himalayen…
Ugo Pandolfi, La Vendetta de Sherlock Holmes, Little Big Man, 2004, pp. 113-114-115.
UGO PANDOLFI Voir aussi : - le site La Vendetta de Sherlock Holmes d’Ugo Pandolfi ; - (sur Terres de femmes) 1er décembre 1881/Guy de Maupassant, Histoire corse. |
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