Les murs qui ferment ma retraite seront ceux de mon tombeau.
Un visage aux traits brouillés, des yeux qui pleurent sans raison, un corps de squelette habillé : ma lassitude me représente que je suis mortelle, les miroirs me disent que je suis déjà morte. […]
Je croyais, autrefois, que l’âme s’usait avec le corps et qu’à l’instant que les mains n’ont plus la force de saisir, l’esprit lui-même se détache des vanités et des passions de ce monde ; et voici que j’enferme dans ce corps décharné un cœur plus âpre, plus inquiet, plus avide d’amour et d’absolu que l’âme de mes jeunes années. Le silence de ce couvent et l’immobilité de ma prison de chair m’étouffent. Je meurs, mon enfant, de sécheresse plus que de vieillesse.
Je suis née le 26 ou 27 novembre 1635 dans la prison de Niort en Poitou. Mon père, Constant d’Aubigné, résidait dans la conciergerie annexée au palais de justice de cette ville. Il tâtait de cette ombre là depuis une année environ, après avoir fait l’expérience des cachots de Paris, La Rochelle, Angers, Bordeaux, La Prée, Poitiers, sans compter quelques menues geôles étrangères à ce Royaume. […]
D’un père joueur, j’avais hérité la promptitude des décisions et le goût des paris. Je pariai sans hésiter sur Monsieur Scarron.
Il était laid, sans doute, et cul de jatte ; on le disait sans fortune ; mais, tel qu’il était j’aimais encore mieux l’épouser qu’un couvent. Je me flattais d’ailleurs que son esprit pourrait me rendre ce mariage supportable. […]
La nappe qui couvrait l’autel sur laquelle la messe fut dite était faite d’un jupon de Madame de Fiesque dont on distinguait bien sous les ornements religieux, les larges fleurs de brocatelle jaune. Ce mélange de pauvreté, de galanterie et de dévotion offrait un raccourci parfait de ce que devait être ma vie dans les vingt années suivantes.
Françoise Chandernagor, L’Allée du Roi, Éditions Julliard, 1981 ; Presses-Pocket n° 2227, 1996, pp.13-14-23-85-86.
Voir/écouter aussi : - (sur Canal Académie) « La vraie figure de Madame de Maintenon » par Françoise Chandernagor. |
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