Le
17 novembre 1667,
Jean Racine crée, « en l’appartement de la Reine »,
Andromaque, tragédie en cinq actes et en vers.

Image, G.AdC
La Gazette royale du 19 novembre commente ainsi l’événement :
« Leurs Majestés eurent le divertissement d’une fort belle tragédie, par la troupe royale, en l’appartement de la Reine, où étoient quantité de seigneurs et de dames de la Cour. »
La pièce a été créée par le Théâtre de L’Hôtel de Bourgogne et les Grands Comédiens du Roi. Avec la distribution suivante :
Andromaque, Mlle Du Parc
Pyrrhus, Floridor
Oreste, Montfleury
Hermione, Mlle Des Œillets,
Phénix, Hauteroche.
C’est avec la tragédie d’Andromaque, la troisième pièce de Racine après la Thébaïde et Alexandre, que Jean Racine embrasse véritablement la carrière de dramaturge. L’auteur puise au cœur des grandes œuvres de l’Antiquité. L’Iliade d’Homère, l’Andromaque d’Euripide, l’Énéide de Virgile, la Troade de Sénèque, œuvres qui confèrent à la tragédie sa tonalité générale.
Mais l’hypothèse a aussi été émise que Racine a choisi ses modèles chez ses contemporains. Ainsi du personnage d’Andromaque, qui tiendrait à la fois du personnage de Virgile et d’Henriette de France, mère de Madame, que Racine a connue. La « veuve inconsolable » d’Hector est à l’image de la Princesse du Grand Siècle, enfermée en son château royal, dans sa triste cour de Saint-Germain. La princesse exilée, captive de Pyrrhus, roi d’Épire est peut-être son double.
Pour ce qui concerne Oreste et Pyrrhus, c’est de lui-même que s’inspire Racine. Qui s’était longtemps cru maître de sa personne et protégé des égarements de la passion. Sa liaison avec Thérèse Du Parc, outre qu’elle lui permet de prendre conscience de son talent, lui fait découvrir les affres de l’amour et de la jalousie. De sept ans l’aînée de Racine, l’illustre comédienne était adulée par nombre d’adorateurs. Selon Bussy-Rabutin, elle avait donné « mille passions à mille gens, et jamais une médiocre ». De quoi mettre à la question le plus tendre des amants.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
RÉSUMÉ DE L’INTRIGUE PRINCIPALE
Au lendemain de la guerre de Troie, Oreste, fils du grec Agamemnon, est envoyé à Buthrote pour demander à Pyrrhus, roi d’Epire, de lui livrer Astyanax, fils d’Hector et d’Andromaque, sa captive. Or Pyrrhus s’est épris d’Andromaque et délaisse Hermione qui lui était destinée. Pyrrhus rejette la demande d’Oreste. Et presse Andromaque de se rendre à ses vœux. Astyanax est mis en péril dans un odieux chantage. Partagée entre son amour pour Hector, son époux défunt, et son amour pour son fils, Andromaque va se recueillir sur la tombe de son époux. De cette confrontation d’avec les mânes d’Hector, elle sort décidée à sauver son fils en obéissant aux désirs de Pyrrhus. Elle se donnera la mort ensuite. Mais, au moment même où Pyrrhus mène à l'autel sa « nouvelle conquête », il est assassiné par Oreste. À la demande d’Hermione. Apprenant la mort de Pyrrhus, Hermione se suicide. Oreste devient fou.
EXTRAIT
Andromaque, Céphise
« Ah ! De quel souvenir viens-tu frapper mon âme !
Quoi ! Céphise, j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma seule joie et l'image d'Hector ?
Ce fils, que de sa flamme il me laissa pour gage ?
Hélas ! Je m'en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,
Il demanda son fils et le prit dans ses bras :
Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J'ignore quel succès le sort garde à mes armes;
Je te laisse mon fils pour gage de ma foi :
S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi.
Si d'un heureux hymen la mémoire t'est chère,
Montre au fils à quel point tu chérissais le père.
Et je puis voir répandre un sang si précieux ?
Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l'entraîne ?
Si je te hais, est-il coupable de ma haine ?
T'a-t-il de tous les siens reproché le trépas ?
S'est-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne sent pas ?
Mais cependant, mon fils, tu meurs si je n'arrête
Le fer que le cruel tient levé sur ta tête.
Je l'en puis détourner, et je t'y vais offrir ?
Non, tu ne mourras point : je ne le puis souffrir.
Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise,
Va le trouver pour moi. »
Jean Racine, Andromaque, Acte III, scène 8, in Théâtre I, GF Flammarion, 1964, pp. 205-206.

Giorgio De Chirico
Andromaque, 1916
Herbert F. Johnson Museum of Art
Cornell University
Ithaca (NY)
Depuis ces 17 ans où, prenant mon ticket de dernière minute à la Comédie Française - ticket à prix dérisoire pour le poulailler - je vouai une vraie admiration aux classiques, les seuls qui triomphassent alors, je reste profondément reconnaissant aux Molière, Corneille, Racine et consorts. Racine restera toujours pour moi le plus grand : j'ai vu récemment encore des lycéennes prendre fait et cause pour des héroïnes de son théâtre qui ont 400 ans d'âge ! Et lorsque, au cours d'une lecture croisée en Centre de détention, un détenu sort de je ne sais où un texte sur Phèdre, et sans préavis le lit à un auditoire subjugué, ça a de la gueule. J.-M.
Rédigé par : Jean-Marie | 17 novembre 2007 à 21:39
Ovale stucturé du visage, photo fascinante !
Rédigé par : Etienne | 18 novembre 2007 à 19:08