Le
14 octobre 1888 naît à Wellington, en Nouvelle-Zélande,
Katherine Mansfield [Kathleen Mansfield Murry, née Beauchamp].
Image, G.AdC
OCTOBRE
Je me demande pourquoi il est si, si difficile d'être humble. Je ne crois pas être un bon écrivain ; je me rends compte de mes défauts mieux que n'importe qui ne pourrait le faire. Je sais exactement en quoi je ne réussis pas. Et pourtant, lorsque j'ai achevé un récit et avant d'en commencer un autre, je me surprends à faire la roue. C'est décourageant. On dirait que j'ai dans le cœur un vilain petit orgueil ; une racine d'orgueil qui pousse un robuste surgeon à la moindre provocation... Cela gêne considérablement mon travail. On ne peut pas, tant que cela dure, être calme, limpide et bon comme il le faudrait. Je regarde les montagnes, j'essaie de prier et c'est une idée ingénieuse qui me vient. Il y a là une espèce d'excitation intérieure qui ne devrait pas exister. Calme-toi. Clarifie-toi. Rien de ce que j'écrirai dans cet état n'aura de valeur; tout sera rempli de sédiment. Si j'allais bien, je m'en irais quelque part, toute seule, et je m'assiérais sous un arbre. Il faut apprendre. Il faut s'entraîner à l'oubli de soi-même. Je ne saurai pas dire la vérité à l'égard de tante Anne, si je ne suis pas assez libre pour contempler sa vie sans songer à moi. O Dieu ! Je suis encore divisée. Je suis mauvaise. Je me laisse vaincre dans ma vie intime. Je m'abandonne à l'impatience, à l'irritation, à la vanité et c'est ainsi que je ne parviens pas à devenir ton prêtre. Peut-être la poésie m'y aidera-t-elle ?
Je viens de nettoyer à fond et d'arranger mon stylo. Après cela, s'il coule encore, c'est qu'il n'est vraiment pas un gentleman !
Katherine Mansfield, Journal [première édition, 1927], Stock, Collection folio, 1973, page 416.
Ce texte me réjouit d'une façon! que tu ne peux même pas imaginer! grazie tanto!
Rédigé par : giles | 18 octobre 2007 à 20:59