Le
28 septembre 1924 naît à Fontana Liri, dans le Latium,
Marcello Mastroianni.

Ph., G.AdC
L’ODEUR DU BOIS
« Quand l’école était fermée, entre deux escapades ailleurs, je passais presque tous les étés dans la boutique de mon père et de mon grand-père ― un pauvre atelier, un petit garage avec deux établis : ils étaient tous les deux menuisiers.
À l’heure de la pause, mon père s’en allait ; alors mon grand-père, un homme peu loquace, me disait : « Balaie par terre, les copeaux, la sciure. Ah, le papier de verre, tu dois poncer ici. Ensuite, s’il te reste du temps, aiguise les outils. » Et je lui disais : « Et moi, je vais manger quand ? »
Au fond, ça ne me déplaisait pas, j’appréciais le travail de ces deux hommes. Qui se disputaient tout le temps. Mon père disait : « Il y a un jour entier que tu t’acharnes sur une chaise de cuisine ! Mais combien tu vas lui demander à cette femme pour ton travail ? » Et mon grand-père : « C’est mon devoir ! La dame du troisième étage me l’a confiée, je dois la réparer. » Déjà alors, il y avait un conflit de générations.
J’avais un peu honte. Vers quinze, seize ans, je commençais à lorgner les filles. Parfois mon grand-père me disait : « Prends la sacoche à outils. On doit aller ajuster une serrure qui ne marche plus. » Et il arrivait que, dans la maison en question, il y ait une demoiselle que j’avais repérée ; alors, arriver avec une sacoche à outils… Eh bien oui, j’avais honte, franchement.
Mais dans mes souvenirs, ces années sont restées très belles.
L’odeur du bois, par exemple. Celui qui ne l’a pas connue ne peut pas savoir à quel point c’est bon. L’odeur du bois, mélangée à la sueur de mon père et de mon grand-père, aux injures, aux crachats du grand-père qui fumait la pipe.
Je crois que j’ai retenu autre chose aussi de ces moments : une certaine connaissance des choses modestes, une certaine humilité. »
Marcello Mastroianni, Je me souviens, oui, je me souviens… [Mi ricordo, si, io mi ricordo *, Baldini Castoldi International, 1997], Calmann-Lévy, Pocket, 1997, pp. 117-118.
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* Je me souviens, oui, je me souviens est d'abord un film. Il a été réalisé par Anna Maria Tatò en septembre 1996 (trois mois avant la mort de Marcello Mastroianni), dans le nord du Portugal où le comédien jouait dans un film de Manoel de Oliveira (Voyage au début du monde/Viagem ao Princípio do Mundo). Marcello a eu le temps de visionner l’ensemble, ...et de choisir le titre. C'est donc une transcription de la voix du comédien que nous lisons ci-dessus.
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