Image, G.AdC
SUR LES HAUTS PLATEAUX DU TIBET
27 septembre. - Voici enfin l’extrémité du long chapelet lacustre que nous suivons depuis cinq semaines. Mais, avant de quitter ces hauts plateaux désolés du Tibet, nous devons franchir une seconde fois l’Arka-Tagh. Nos animaux seront-ils capables d’un pareil effort ? Nous n’avons plus que cinq chameaux, 9 chevaux et 3 ânes, tous complètement fourbus. L’ascension du col fut heureusement facile.
Sur le versant nord du passage, Islam découvre un important troupeau de yaks. Au bruit de ses coups de feu la bande se partage ; tandis que les uns prennent la fuite du côté de la montagne, les autres filent vers la vallée et se dirigent de mon côté. Je suis sans arme, et pas moins de 47 bœufs sauvages arrivent sur moi. S’ils m’avaient aperçu, j’étais perdu. Par derrière leur troupe Islam galope ventre à terre ; profitant d’une conversion décrite par les yaks, d’une balle bien ajustée il casse la jambe d’un taureau. Rendu furieux par la douleur, l’animal se lance immédiatement à la poursuite du cavalier et, bien que courant sur trois jambes, le rejoint bientôt. Au moment où il se baisse pour culbuter son cheval, Islam l’étend raide d’une balle en pleine poitrine.
Une bonne journée aujourd’hui. Les hommes découvrent des traces évidentes du passage de l’homme : quatre pierres portant des caractères tibétains, trouvées près d’un ancien campement. Des indigènes ne doivent pas être loin !
Le lendemain nous rencontrons les pistes d’une caravane et celles d’un piéton. Tous ces « signes », comme disent mes gens, ne remontent pas à plus de cinq jours. Plus loin, nous passons devant un obo, un ex-voto de bouddhiste.
Sven Hedin, Trois ans de lutte dans les déserts d’Asie [En faerd genom Asien, A Bonniers Bokt., Stockholm, 1898], Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 1991, pp. 160-161.
Géographe et cartographe suédois, Sven Hedin (19 février 1865 - 26 novembre 1952), explorateur-physicien, couvre pendant quarante années l’Asie centrale et le Tibet d’explorations périlleuses, sans jamais toutefois pouvoir parvenir à la Cité interdite de Lhassa.
Après une première expédition de reconnaissance dans le Takla-Makan (1890-1891), l’infatigable Sven Hedin tente par trois fois d’affronter le terrible désert. Plusieurs de ses hommes y laissent la vie tandis que lui-même échappe à plusieurs reprises à la plus terrible des morts : la mort par la soif. Fasciné par les légendes qui hantent ces déserts impénétrables, Sven Hedin est le premier explorateur à avoir rejoint les villes englouties dans les sables (cité-garnison chinoise de Loulan) et à en rapporter descriptions et pièces archéologiques de la plus grande importance.
Commentaires