Le
25 septembre 1626 meurt à Paris le poète
Théophile de Viau.
Image, G.AdC
Issu de la petite noblesse protestante, Théophile de Viau, né à Clairac-en-Agenais (Lot-et-Garonne) en 1590, entre au service de grands seigneurs en 1614 : les poèmes qu'il compose à leur intention le rendent rapidement célèbre. S'il fréquente assidument les milieux aristocratiques et se trouve souvent mêlé aux intrigues sentimentales de ses maîtres, il est aussi un habitué des cabarets. Sa réputation d'athée et de réfractaire lui vaut la haine des jésuites. Bien que converti au catholicisme en 1622, le poète est chassé plusieurs fois du royaume puis accusé d'avoir écrit des vers obscènes dans un recueil collectif, Parnasse satyrique. Incarcéré au Châtelet de 1623 à 1625, Théophile de Viau compose la Lettre de Théophile à son frère et la Maison de Sylvie, suite de dix odes commencées à Chantilly, chez Henri de Montmorency, son protecteur. Banni de Paris, puis gracié, Théophile de Viau échappe de justesse au bûcher et meurt à l’âge de trente-six ans des suites de sa captivité.
Bien que Théophile de Viau ait sans doute commencé d’écrire dès 1610, ses Œuvres ne paraissent qu'en 1621. Ce sont des odes au roi, des sonnets ou de longs poèmes, des satires ou des éloges. Si de nombreux vers chantent l'amour, les considérations philosophiques et religieuses ne sont pas absentes des compositions du poète.
Scepticisme et pessimisme imprègnent l’œuvre de cet esprit frondeur. Son libertinage d'esprit, son refus affirmé des certitudes religieuses et de l'orthodoxie font scandale. Mais, au rebours, lui assurent un vif succès. Qui ne se dément pas davantage avec ses œuvres dramatiques. En dépit des froideurs de la critique, peu coutumière du lyrisme flamboyant, les amours tragiques de Pasiphaé ou de Pyrame et Thisbé (1621) sont reçues favorablement par les spectateurs touchés par la sincérité et la violence des sentiments exprimés.
Esprit libre qui, aux contraintes techniques de l'écriture, préférait la sincérité des sentiments, Théophile de Viau influence de nombreux poètes à sa suite, dont Tristan l'Hermite. Oublié à la fin du XVIIe siècle, il est redécouvert par les auteurs romantiques.
L’ode XLIX, « Un corbeau devant moi croasse », appartient à la première partie des Œuvres poétiques. Composé de deux dizains d’octosyllabes, ce poème étrange, marqué par un climat d’angoisse qui va crescendo jusqu’à l’épouvante hallucinatoire, s’inscrit dans le « topos » baroque du monde renversé. Un topos déjà présent dans les « impossibilia » de Virgile.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
UN CORBEAU DEVANT MOI CROASSE
Un Corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.
Ce ruisseau remonte en sa source,
Un boeuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple d'une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
Théophile de Viau, XVII, Ode, Œuvres poétiques, 1621 ; in Après m'avoir fait tant mourir, Gallimard, Collection Poésie, 2005, page 88. Édition de Jean-Pierre Chauveau.
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