Le 29 août 1881 naît à Vichy Valery-Nicolas Larbaud, dit Valery Larbaud. Source Saint-Pétersbourg, 29 août 1898 Ce matin, rentrant sur la rive gauche de la Néva par le pont Troïtsky, ma voiture a heurté et renversé, au coin du Champ-de-Mars et de la Millionnaïa, un fiacre où se trouvaient un moujik et une femme du peuple. J’avais eu le temps de bien voir le fiacre. Un moujik en voiture attire l’attention des gens ; les pauvres ne prennent des fiacres que dans les grandes circonstances de leur vie. Ceux-ci étaient endimanchés, et sur l’instant j’avais pensé : une noce ; quand je m’aperçus que l’homme, un de ces grands christs blonds qu’on voit si souvent ici, et qui se tenait très droit, et portait une boîte sur ses genoux, pleurait, sans grimacer, solennellement. La baba se tenait courbée près de lui. Puis l’accident arriva ; leur cocher voulut nous éviter, tourna trop court ; une de leurs roues sauta sur le trottoir devant le Palais de Marbre, et ils étaient déjà par terre quand mon cocher, d’un simple « brrr » prononcé presque bas, arrêta ses chevaux qui se cabraient. Je descendis ; mais que pouvais-je faire ? Je vis l’homme se relever, aider la femme à se dégager des coussins qui étaient tombés sur elle. Personne n’avait de mal. Leur cocher, protégé par ses vêtements, s’était remis sur pieds le premier. Le moujik s’approcha aussitôt de la boite, qui avait été projetée contre le mur du palais ; et au moment où il la prit, je vis qu’elle s’était cassée, et qu’elle contenait le cadavre d’un petit enfant. La femme arrangea les langes, et recouvrit la petite figure bleuissante, dont les traits fondaient déjà. Mon cocher les aida, pendant que je tenais les guides, à réparer leur roue endommagée. Puis ils repartirent. Tout cela s’était passé sans un cri, sans une parole. Moi-même, comme j’étais prêt à dire quelques mots d’excuses ou de consolation, je fus arrêté par le regard du moujik : évidemment, il n’y avait rien à dire. Et comme nous débouchions sur la place Dvortsovy, à ce moment déserte, un bataillon d’infanterie qui sortait de la voûte de la Grande Morskaïa, à la vue du Palais d’Hiver fit tonner ses tambours. Valery Larbaud, A.O. Barnabooth, Journal intime, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 1958, page 280. |
■ Valery Larbaud sur Terres de femmes ▼ → 1er mars 1910 | Début de la publication de Fermina Márquez de Valery Larbaud → 2 février 1957 | Mort de Valery Larbaud → Valery Larbaud | Le masque |
Retour au répertoire du numéro d'août 2007
Retour à l' index de l'éphéméride culturelle
Retour à l' index des auteurs
E tu, Italia, un giorno, in ginocchio,
Ho baciato con venerazione il tuo suolo tiepido, lo sai;
O regione del Cielo (non sei tu fatta d’azzurro, d’argento e di zaffiro ?)
Regione del Cielo, incatenata
In mezzo ai flutti che, per l’esiliata,
Si mutano in altro Cielo;
O incatenata dalle Nereidi, al pari di Andromeda,
Qui, di nuovo, col pensiero,
Bacio con sacro orrore il tuo ventre
E i tuoi bei fianchi fecondati dagli dèi...
(Valery Larbaud, Le Poesie di A. O. Barnabooth, Einaudi, 1982)
Rédigé par : alfred | 30 août 2007 à 22:00
Grazie a te, caro Alfred, di propormi "en partage" questo grande e bell'omaggio all'Italia. Una lirica appassionata di Valery Larbaud.
Je donne ci-dessous le texte original pour les non-italianistes :
« Et toi, Italie, un jour, à genoux,
J’ai baisé pieusement la terre tiède, tu le sais ;
O région du Ciel (n’es-tu pas de saphir, d’azur et d’argent ?)
Région du Ciel, enchaînée
Au milieu des flots qui se font, pour l’exilée
Pareils à un autre Ciel ;
O enchaînée par les Néréides, comme Andromède,
En pensée, d’ici, encore une fois,
Je baise avec une horreur sacrée ton ventre
Et tes beaux flancs fécondés par les dieux … »
Valery Larbaud, A.O.Barnabooth, Poésies, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 1958, p. 79.
Rédigé par : Angèle Paoli | 02 septembre 2007 à 18:05