(en marge de Bruegel l'Ancien, J.-B. Pontalis et Arnold Böcklin)
Paolo Monti (1908-1982)
San Giorgio Maggiore, mars 1949
Source
LA PETITE BARQUE
La petite barque s’ébranle doucement. Un clapotis léger vient battre de mille bulles ses flancs arrondis. Elle glisse, et fend l’eau en silence. L’eau huileuse du Canal Grande. Une eau mortelle sans lumière et sans vie. Une silhouette sombre se dresse à sa poupe. Silhouette encapuchonnée d’un moine noir. À l’arrière, entortillée dans un linceul de lin blanc, la forme indistincte d’un corps recroquevillé. La barque continue de tracer son sillon dans le bras désormais élargi du canal : à la croisée de deux bras d’eau, également obscure. Les lignes chevelues d’une île dessinent au large leur estampe. Les cyprès lancent leur fuselage vers la brume. La masse opaque des arbres estompe les contours. La mandorle au sexe de femme se rapproche peu à peu des rives et la berge frangée dévoile ses escarpements rocheux. Inhospitaliers. Au détour d’une boucle de terre et d’eau, une allée de tombeaux aligne une géométrie de façades blanches. Le voyage tire à sa fin et la barque accoste sans violence l’île San Michele. La silhouette noire ébauche un signe. D’autres se profilent au devant d’elle. Le corps indistinct est hissé sur la terre ferme, emporté à son tour dans le royaume caverneux des âmes du silence.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
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Brume, popeline oubliée après la débâcle… en recherchant l'immortalité, ils ont découvert la poudre… A ce point de la stratosphère, toutes les directions sont justes, elles indiquent une narration qui devient mémoire…
Amicizia
Guidu ___
Rédigé par : Guidu | 02 juin 2007 à 14:50
Venise, voyage inoubliable
voyage hors du temps
couleurs hors du temps
seule cette déclinaison de gris pouvait le dire
et ce beau texte qui glisse
Rédigé par : Viviane Lamarlère | 03 juin 2007 à 09:10
Je relisais Deguy tout à l'heure chère Angèle ... en contrepoint et comme une approche, où les références – les tiennes, les siennes – se croisent ...
"Barque exaltée en pavois où le corps
Se vêt de l'impatience qui lui ressemble
Et sa pensée alors conduite aux entrailles
Connaît ceci :
Profond mime du départ
L'artère émue le bras
L'os étrave à sillage de sang"
Michel Deguy, « Ouï Dire », dans Donnant Donnant. Poèmes 1960-1980, Paris, Poésie/Gallimard, p. 99.
Rédigé par : Alessandro | 12 juin 2007 à 22:47