Né dans le Wisconsin le 14 janvier 1909, le réalisateur américain Joseph Losey meurt à Londres le 22 juin 1984.
Très tôt passionné de théâtre et de mise en scène, Joseph Losey se penche sur les théories de Piscator et sur le travail de Brecht. Avec qui il monte à New York (1946-1947) la très belle pièce Galileo Galilei. En collaboration étroite avec Charles Laughton, traducteur du texte et interprète. En 1948, il se voit confier la mise en scène de son premier long métrage. Dès le début de sa carrière dans le cinéma, Losey apparaît comme un metteur en scène à part. D’abord parce que, loin de renier son goût pour la dramaturgie, il cherche au contraire à réutiliser dans ses films ses acquis et ses talents d’homme de théâtre. Mais aussi parce que la critique sociale est une de ses principales préoccupations. Soupçonné d’être « communiste », malmené par la Commission des activités anti-américaines, il quitte les Etats-Unis pour la Grande-Bretagne où il entame une seconde carrière. Dès 1960, la tension entre émotion et lucidité qui sous-tend son œuvre éclate dans les Criminels, puis en 1962, dans Les Damnés. 1963 est l’année de The Servant. Un film réalisé en toute liberté. Dans lequel le metteur en scène peut enfin se permettre de transposer librement ses obsessions. Suivront en 1966 Modesty Blaise et en 1967 Accident. Le talent de Losey culmine avec l’inoubliable The Go-Between, palme d’or du Festival de Cannes 1971. En 1976, Losey réalise Monsieur Klein. Puis, avec Don Giovanni (1979), il s’essaye au genre de l’opéra filmé. Technicien hors pair, Joseph Losey laisse parler sa sensibilité critique et signe des œuvres originales qui explorent avec un regard perçant hiérarchies sociales et complexité des sentiments humains.
Elle se souvient du film primé au festival de Cannes en 1971. De la beauté de la campagne anglaise, baignée dans la chaude luminosité d’été. De la blondeur des blés et de ce jeune garçon, courant à travers champs, partagé entre la superbe demeure qui l’accueille et la métairie voisine qu’habite Burgess (Alan Bates), l’amant de la belle Marian (Julie Christie). Elle se souvient de la naïveté et de l’innocence de Léo (Michael Redgrave). De sa modestie, quelque peu déplacée dans cet univers qui n’est pas du tout le sien. Elle se souvient du rôle dont le jeune garçon se trouve soudainement investi par la jeune maîtresse de maison. De la relation perverse qui se tisse au fil des jours entre la jeune femme et l’enfant, pris en étau entre des adultes que la hiérarchie sociale oppose. Elle se souvient avec émotion de ce petit messager docile (the go-between, expression qu’elle n’a jamais oubliée depuis), chargé par la très belle Marian de délivrer en cachette à Burgess les billets qui lui sont destinés. Elle se souvient de ce jeu incessant auquel l’enfant se soumet par admiration et amour secrets pour la belle Marian. Dans une innocence dont il ne restera rien à la fin du film. Elle se souvient encore avec une nostalgie douloureuse de cet éblouissement. Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli |
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The Servant :
En 1963, il réalise un de ses chefs-d'œuvre, d'après un scénario d'Harold Pinter : The Servant, reposant sur un duo d'acteurs James Fox l'aristocrate (Tony) et Dirk Bogarde (Barrett) en majordome pervers. Barrett, qui sait se rendre indispensable va, en jouant sur les faiblesses de son nouveau maître, progressivement le réduire à sa merci. Losey présente son film de cette manière : " Le sujet de The Servant est le pouvoir destructeur de ceux qui tentent de vivre selon de faux principes et des valeurs périmées… En fait, on pourrait appeler ce film "la servitude sous toutes ses formes"… Quant à l'histoire, si vous voulez toujours la connaître, c'est celle de Faust ? Ou Méphisto ?
C'est en fait une dénonciation des rapports de classes. dans toutes les scènes, on trouve des rapports de force, domination-soumission.
Le point de vue proposé au spectateur n'est ni celui de Tony, ni celui de Barrett. La narration se veut "objective". La caméra prend la place d'un narrateur omniscient. Avec son décorateur et son chef opérateur, Losey est réputé pour travailler l'image : les acteurs évoluent selon une chorégraphie complexe, dans des cadrages rigoureux, au milieu d'un décor dont chaque élément se veut signifiant et qui globalement devient métaphore. Mais quiconque a vu The Servant n'a pas oublié les miroirs convexes (qui sont le cauchemar du chef opérateur qui ne sait plus où placer ses lumières et sa caméra) où viennent s'inscrire, déformés, les visages des fameux protagonistes.
Rédigé par : myriade | 22 juin 2007 à 10:40