Ph., G.AdC/angèlepaoli
LAI DU CHÈVREFEUILLE
Chèvrefeuilles enlacés aux chimères du jour une brume opaque fige l’air dans une épaisseur immobile. Sous le muret du pont génois le champ d’arums éternels étend lisse ses involutions de corolles blanc velours larges feuilles charnues pistils dressés en quête de vertige. Le petit « coqueli » de ton cœur saigne encore. Sais-tu pourquoi ?
Le torrent roule ses eaux bouillonnantes sous l’ombrage de frêles embarcations de feuilles virevoltent sur les trous d’eau tourbillons et mouvances. Frênes et figuiers emmêlés rosiers grimpants chèvrefeuilles encore agiles griffures vers le soleil s’entrelacent roses fondus de rouge lèvres. De la fraîcheur des eaux monte une chaleur moite pareille à la brume épaisse qui s’appesantit sur les courbes végétales.
Digitales pourpres hautes hampes géraniums corail giroflées clématites mauves le chant du torrent s’adoucit en amont chênes futaies longilignes cédrats néfliers orangers la brume glisse sur les toits silencieuse lente un souffle d’air secoue les branches le mimosa s’étiole sous ses frissons une odeur forte de sanglier rôde il va pleuvoir.
Un gris étale enveloppe la route quelques gouttes déjà se déposent sur ta joue douces violettes et fougères feuilles à fleurs jardin suspendu parfum d’humus épicéa nain une belette court corps effilé trotte menu museau au ras de l’herbe au-delà du jardin suspendu boutons d’or et chardons bleus des talus pervenches absentes la rumeur du torrent s’éloigne dans le silence.
Et là ce sentier sur ta droite jusqu’où ? Une clairière avec des ruches un roulement furtif dans le maquis l’animal demeure invisible les martinets strient le ciel bas douceur de l’eau chantante qui va son chemin le cristobulle d’un courlis effervescence de plumage dans les pâmoisons feuillues un souffle d’air imprévu court de branche en branche à la même hauteur les couinements agacés des cochons sauvages la bave visqueuse des cistes en fleurs quatre pétales ailes mauves tremblent dans les haillons d’une épeire-diadème enlacés délacés les chèvrefeuilles te coucher là dans ce creux de roche taillé à ta mesure épier la nuit il s'en va pleuvoir.
Angèle Paoli
Texte D.R. angèlepaoli
Voir aussi : - (sur Terres de femmes) Marie de France/Lai del Chevrefoil. |
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contente d'avoir dépassé la familiarité agréable du titre pour découvrir ton texte
Rédigé par : brigetoun | 12 mai 2007 à 11:16
Merci, Brigetoun. J'avais pensé un moment m'inspirer de Marie de France pour écrire ce texte, mais j'ai dû y renoncer. Je n'étais pas dans le ton. J'ai choisi le mien et je crois que j'ai bien fait. La preuve !?
Rédigé par : Angèle Paoli | 12 mai 2007 à 22:12