Naissance à Moscou (et non pas, comme on l'a longtemps cru, à Varsovie), le 16 mai 1898, de Tamara Gurwick-Gorska, dite Tamara de Lempicka, la peintre la plus emblématique des années « Art Déco ».
« Rien n’est plus évocateur des années jazz que ces portraits glacés de femmes à la mode et d’hommes séduisants qui jouent au polo dans la journée et boivent des cocktails jusqu’à l’aube », rapporte le critique d’art Frank Whitford, qui rajoute que c’est au cours de ces soirées folles « données par les riches et les décadents, où drogues et alcools étaient servis par des domestiques à moitié nus », que Tamara de Lempicka « sniffait de la cocaïne avec Gide et draguait hommes et femmes », et qu’elle a aussi fait la connaissance de Colette, d'Isadora Duncan, de Jean Cocteau, ou encore de James Joyce. GLAMOUR ET INGRISME PERVERS Née dans une famille très fortunée, Tamara de Lempicka a vécu à Saint-Péterbourg une existence dorée jusqu’à l’arrestation par les bolcheviks, en 1918, de son mari Tadeusz (de Lempicki), dont elle finit (après beaucoup d’acharnement) par obtenir la libération. Le couple fuit tout aussitôt la Russie et s’installe en France. À Paris où, après une courte période de misère, elle fréquente la Haute société européenne et s’affiche femme émancipée et bisexuelle. Tamara étudie la peinture à l’Académie de la Grande-Chaumière (un institut privé). Elle est l’élève d’André Lhote et de Maurice Denis (mouvement nabi) et se passionne pour l’art de la Renaissance italienne et du maniérisme (notamment florentin : Le Pontormo), et pour les grands maîtres italiens (Bronzino, Botticelli et Michel-Ange en particulier). En 1925, elle participe à la première grande Expo Arts Déco (Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels de Paris) et tient à Milan sa première exposition personnelle (Galerie Bottega di Poesia, Via Montenapoleone, dirigée par le comte Emanuele Castelbarco). C’est à partir de là qu’elle se fait un nom et devient une véritable icône et diva de l’Art Déco et des Années folles. Avec un style glamour unique, d'un hédonisme raffiné tout à fait reconnaissable. « Une lumière à la manière d'Ingres, du cubisme à la Fernand Léger, avec du rouge à lèvres Chanel », résume un critique d'art de l’époque. Le critique Arsène Alexandre ira jusqu'à utiliser l'expression (devenue fameuse) d'« ingrisme pervers » (La belle Rafaëla en vert, v. 1927). Une expression qu'il désavouera toutefois en 1929. En 1928, Tamara de Lempicka se sépare de Tadeusz, s'installe en 1929 dans son atelier du 7, rue Méchain, conçu par l'architecte Robert Mallet-Stevens et décoré par la sœur de Tamara, Adrienne Gurwick-Gorska. En février 1934, elle épouse l'un de ses collectionneurs, le très riche baron Raoul Kuffner de Dioszegh. Tous deux émigrent en 1939 pour les États-Unis (New York, puis Los Angeles) où elle se consacre exclusivement à son art, exposant dans de nombreuses galeries de renom, mais sans plus jamais obtenir le succès qui l'auréola durant l'entre-deux-guerres. Dans les années 1960, elle se tourne vers l’art abstrait. Artiste prolifique, c’est surtout pour ses portraits d'un érotisme stylisé et peaufiné (cadrage serré sur un arrière-plan de drapés ou de gratte-ciels) qu’elle est aujourd’hui reconnue. Portraits dont beaucoup ont été récemment acquis par des stars du show-biz et/ou de la jet-set. Elle s’est éteinte à Cuernavaca (Mexique) le 18 mars 1980, dix-huit ans après le décès du baron Kuffner. Sa fille Kizette, née de son premier mariage, a dispersé ses cendres au sommet du Popocatépetl. RÉHABILITATION ET RÉTROSPECTIVES La première grande rétrospective de l’œuvre de Tamara de Lempicka s’est tenue à Paris à la Galerie du Luxembourg en 1972 et a contribué à la réhabilitation de son œuvre (tant soit peu ignorée par la critique qui tenait jusqu’alors son art pour un art « mineur » purement virtuose et mondain, en deux mots : « chic et toc »). Plusieurs grandes expositions ont été organisées depuis lors (notamment à Londres [mai 2004-août 2004] et à Vienne [septembre 2004-janvier 2005]), dont six pour ces six dernières années : la première (« Tamara de Lempicka, icône de l'Art Déco »), du 30 mars au 16 juillet 2006, au Musée des Années 30 (espace Landowski) de Boulogne-Billancourt ; la seconde à Milan (Palazzo Reale) du 5 octobre 2006 au 18 février 2007 ; la troisième en Espagne (Fundación Caixa Galicia, Vigo) du 18 avril 2007 au 15 juillet 2007 ; la quatrième au Mexique (du 4 juin 2009 au 2 août 2009) au Palacio de bellas Artes de Mexico ; la cinquième au Japon (au Bunkamura Museum of Art de Tokyo du 6 mars 2010 au 9 mai 2010 et au Hyogo Prefectural Museum of Art de Kobe du 18 mai 2010 au 25 juillet 2010) ; la dernière à Rome (au Vittoriano, du 11 mars 2011 au 10 juillet 2011). TAMARA DE LEMPICKA DANS LES MUSÉES DE FRANCE Malgré les nombreuses rétrospectives de ces dernières années (Londres, Vienne, Paris, Milan, Vigo), Tamara de Lempicka est peu représentée sur les cimaises des musées (une toile toutefois au Musée du Petit-Palais à Genève : Les Deux Amies, 1923), hormis les musées français, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là (et la rétrospective en cours de Vigo rend bien compte de cet état de fait). Parmi ces musées français, le Musée national d'Art moderne de Paris - Centre Georges-Pompidou (Kizette au balcon, 1927 ; Portrait de Tadeusz de Lempicki, 1928 [toile mise en dépôt au musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt] ; Portrait du baron Kuffner, 1928 ; Jeune Fille en vert, 1930 ; Arums, 1935, Coupe de raisins v. 1949), le musée départemental de l'Oise à Beauvais (Mère et enfant, 1932 ; L'Homme à la mandoline, v. 1935 ; Madone ronde, v. 1935 ; Le Turban gris, I, 1945; tous quatre acquis par le musée en 1976) et le musée des Beaux-Arts de Nantes (le premier musée français à lui avoir acheté une toile, Kizette en rose [1926]), musée auquel elle a légué plusieurs œuvres en 1976 par l'intermédiaire de la direction des Musées de France, dont la toile inattendue [peu orthodoxe ?] La Mère supérieure, 1935, réalisée en pleine crise mystico-dépressive, La Fuite (Quelque part en Europe), v. 1940, Atelier à la campagne, 1941, et La Mexicaine, 1947. D'autres toiles de Tamara de Lempicka sont aussi conservées au Château-Musée Grimaldi de Cagnes-sur-Mer (Portrait de Suzy Solidor, 1933), au musée Malraux du Havre (Le Chinois, v. 1921 ; Graziella, v. 1937 ; Le Turban orange, II, v. 1945), au musée des Beaux-Arts d'Orléans (Saint-Moritz, 1929), au Musée d'Art et d'Industrie André-Diligent - La Piscine de Roubaix (La Communiante, 1928; dépôt du MNAM), au musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis (Les Réfugiés, 1931), et au musée d'Art moderne de Saint-Étienne (Cruche sur une chaise 1941 ; Femme au chapeau, 1952). Angèle Paoli D.R. Texte angèlepaoli |
TAMARA DE LEMPICKA Pour voir un Autoportrait (Tamara à la Bugatti verte, 1925) de Tamara de Lempicka, cliquer ICI. ■ Voir aussi ▼ → le site officiel de Tamara de Lempicka → (sur tamara-de-lempicka.org) Tamara de Lempicka : The Complete Works → les toiles de Tamara de Lempicka de la Bert Christensen's CyberSpace Gallery sur Next painting → d'autres toiles de Tamara de Lempicka sur BBC News autour de la rétrospective organisée en 2004 à la Royal Academy of Arts de Londres → (sur Terres de femmes) le Portrait de Suzy Solidor par Tamara de Lempicka |
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Angèle, pour moi cela a été très intéressant de lire votre blog et de connaître le travail de Tamara parce que j´ai habité à Moscou quelques années, et j´ai vu quelques images... merci beaucoup, je vous invite à visiter mes blogs, j'en ai un en espagnol et un autre en français. Ce sera un plaisir d'avoir une lectrice comme vous, salutation de la Colombie,
Catalina
http://lemiroir.blog.fr
http://lasombradelmar.blogspot.com
Rédigé par : Catalina Campuzano | 19 mai 2007 à 06:53
"Naissance à Moscou (et non pas, comme on l'a longtemps cru, à Varsovie" ?
De nombreux sites : wikipedia, universalis indiquent Varsovie comme lieu de naissance. Qu'en est-il vraiment ?
Rédigé par : moreeuw | 08 octobre 2008 à 22:26
Pour en savoir plus, consulter le catalogue (édité par Skira) de la dernière grande exposition consacrée à Tamara de Lempicka (Milan, octobre 2006 - janvier 2007)(Vigo, Espagne, avril 2007 - juillet 2007) ou se rendre http://www.tamaradelempicka.it/biografia.php>ici, sur le site italien créé à cette occasion. Comme il est indiqué (biographie de Gioia Mori), selon de récentes recherches, le certificat de mariage et l'acte de décès indiquent bien qu'elle est née à Moscou et non pas à Varsovie. De même, elle n'est pas née en 1902, comme elle le déclarait, mais en 1898.
"Il primo mistero di Tamara Rosalia Gurwik-Gorska riguarda data e luogo di nascita: non era certo nata nel 1902 come dichiarava, perché nei documenti è riportata la data 1898. Per quanto riguarda il luogo, ha sempre dichiarato di essere polacca nata a Varsavia, mentre – secondo recenti ricerche - il certificato di matrimonio e quello di morte la dicono nata a Mosca."
Rédigé par : Webmestre de TdF | 09 octobre 2008 à 00:16
Merci pour cette bio de Tamara de Lempicka, c'est une artiste que j'apprécie beaucoup. J'ignorais cependant qu'elle était née à Moscou, voilà qui éclaire ma lanterne...
Je suis peintre et mon thème est le féminin...
Vous serez la bienvenue chez moi, à très bientôt.
Tatieva
Rédigé par : Tatieva | 30 septembre 2010 à 17:01
avec retard, je m'associe à tous ceux qui se sont réjouis de l'anniversaire de ce grand peintre! Je suis aussi peintre autodidacte et cette dame a influencé mon style, ma voie.Je peins des sujets féminins et je pense que notre rencontre n'est pas étrangère à mes goûts actuels.
Joyeux anniversaire chère madame.
Celig
Rédigé par : Celig guihal | 17 mai 2012 à 18:59