Il y a 80 ans, le
30 avril 1933, mourait à Paris
Anna-Élisabeth de Brancovan, comtesse Mathieu
de Noailles, née Anna-Élisabeth de Brancovan (Paris -
15 novembre 1876).
Image, G.AdC
EXTRAIT de ANNA de NOAILLES de FRANÇOIS BROCHE
« Je meurs de moi-même »
« La comtesse Murat vient la voir, alors qu’elle (Anna) a subi un examen médical. Anna a la force de lui annoncer:
- Aucun organe essentiel n’est atteint chez moi, et cependant je m’en vais. Je meurs de moi-même…
Ce serait là son dernier « mot ». Il semble toutefois que sa dernière phrase complète fut pour demander à être enterrée au Père-Lachaise.
La dernière semaine fut calme, comme si elle avait enfin trouvé la « mâle paix » : elle prononçait quelques mots sans suite, parfois son nom, elle souriait…
Quand vint l’heure où la nature se fit complice des ses vœux, écrit Jean Rostand, nous assistâmes au spectacle de sa calme résignation. Cette grande rebelle s’abandonnait, se soumettait aux lois de la réalité ; cette nietzschéenne s’éteignait selon Marc-Aurèle.
Elle ne paraissait pas souffrir, mais les traits de son visage, aux yeux maintenant à jamais clos, s’animaient parfois, comme si son sommeil était traversé de visions et, peut-être de cauchemars. Le dimanche 30 avril, elle revint à elle vers 13 heures. Une demi-heure plus tard, veillée par Mathieu, Anne-Jules et Hélène, elle était morte.
Trois oraisons
Jamais la mansarde ne vit défiler autant de monde en si peu de temps. Mais la prodigieuse voix qui s’était tue continuait de bourdonner aux oreilles de ceux qui l’avaient connue, aimée ou redoutée. Accourue l’une des premières, Simone songeait aux rires heureux de celle qui, à présent, dormait, vêtue de soie blanche, étendue au milieu de brassées de roses blanches, sur le lit étroit où elle avait passé la moitié de sa vie :
Du tapis au plafond, montaient des lis et des lilas. Cette masse embaumée changeait la nature du silence. […] Elle, sourde, indifférente, restait engluée dans le sommeil dont on ne se réveille pas et poursuivait le sévère apprentissage de sa métamorphose.*
Mauriac aperçut « une première communiante assassinée » ; Gregh la vit « pâle, exsangue, ivoirine, de la même couleur que le grand crucifix étalé sur une table, devant son lit étroit ». Cocteau, les Régnier, Blum, Jacques-Emile Blanche, Edmond Jaloux, Maurice Martin du Gard, Paul Morand, Léon-Paul Fargue, parmi tant d’autres allèrent lui rendre visite.
Le lendemain, 1er mai, Élie Faure - qui était aussi médecin - vint prélever son cœur, dont Anna avait un jour manifesté le vœu qu’il fût inhumé dans le couvent des Clarisses de Publier** ; elle fut embaumée, dans l’attente des obsèques, fixées au 5 mai, à la Madeleine. »
François Broche, Anna de Noailles, Un mystère en pleine lumière, Éditions Robert Laffont, 1989, pp. 404-406.
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* Simone (Pauline Benda), Sous de nouveaux soleils, Gallimard, 1957, p. 85.
** Il se trouve aujourd’hui au cimetière de Publier.
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