Image, G.AdC Kalimpong, 14 avril 1912 [C’EST DEMAIN QUE JE SUIS PRÉSENTÉE AU DALAÏ LAMA...] C’est demain que je suis présentée au Dalaï Lama, c’est évidemment un événement pour moi, car être reçue par le « pape » d’Asie est, pour une Européenne, beaucoup moins banal que d’être reçue au Vatican. Pour lui aussi, c’est un événement puisque je suis la première femme d’Occident qu’il consente à recevoir. Aussi il a fallu, comme chez les Romains, choisir un jour et une date fastes. J’ai préparé une série de questions à poser. Quel individu vais-je trouver ? On m’a fait pressentir pour savoir si, comme Européenne, je tenais à avoir une chaise, ou si, comme bouddhiste, je voulais bien m’asseoir sur un coussin sur le tapis à l’orientale. J’ai dit que je n’avais cure de ces détails, que je venais pour apprendre le plus possible sur le lamaïsme et que le Premier ministre s’asseyant sur le tapis, je ne me sentais nullement humiliée de m’y asseoir aussi suivant la coutume du pays. Je pense qu’il tient à me bénir parce que tout d’abord Laden La m’avait dit : « Les fidèles s’agenouillent devant lui pour qu’il les bénisse » et il avait été convenu que je ferais une révérence de cour, ne voulant pas m’agenouiller et… que je me passerais de bénédiction. Mais, hier, après avoir reparlé avec le Dalaï Lama et son entourage, Laden La me dit : « Quand vous aurez salué Sa Sainteté, approchez-vous, il posera la main sur votre tête pour vous bénir » et, très vite, il ajoute : « Vous n’aurez qu’à vous incliner en signe de remerciement. » C’est évidemment le pape ou ses gens qui lui ont fait dire cela. Enfin, bénie ou non, je suis enchantée de ma bonne fortune. Revenir avec une étude sur le lamaïsme faite auprès du Dalaï Lama, c’est ça qui serait mirifique comme travail orientaliste. Malheureusement, Sa Sainteté jaune est très absorbée par ses soucis politiques et a sans doute peu de loisirs à donner aux discussions philosophiques. Nous verrons bien. Alexandra David-Néel, Correspondance avec son mari, Édition intégrale 1904-1941, Plon, 2000, page 144. |
■ Alexandra David-Néel sur Terres de femmes ▼ → 24 octobre 1868 | Naissance d’Alexandra David-Néel → 9 mai 1917 | Lettre d’Alexandra David-Néel à Philippe Néel ■ Voir | écouter aussi ▼ → le site du Centre culturel Alexandra David-Néel → (sur YouTube) Alexandra David-Neel - Orientaliste tibétologue journaliste écrivaine (document d'archives sonores INA) |
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Alexandra David-Néel est une femme passionnante ! J'ai lu toutes ses oeuvres, plusieurs fois pour certaines. Elle avait de l'audace (première femme à pénétrer au Tibet...), du courage, de l'endurance et de la ténacité. Elle était surtout très intelligente.
Merci Angèle d'en avoir parlé. J'aurais bien envie de relire Une Parisienne à Lhassa...
Rédigé par : nobody | 14 avril 2007 à 11:53
Oui, nobody, une femme hors norme, en effet, la grande Alexandra ; une force de la nature, infatigable marcheuse capable de braver tous les tabous de son époque et d'affronter toutes sortes de traquenards. Comme tu le sais, une sacrée aventurière ! Il faut dire qu'elle avait commencé tôt. Fugueuse dès l'âge de trois ans, elle quittait régulièrement le bercail pour explorer le monde, celui de la banlieue parisienne où elle vivait ! Ses parents, qui avaient l'esprit libre et indépendant, ne s'en souciaient pas outre mesure. Elle finissait toujours par revenir !
Quant à son écriture, assez répétitive et monotone,comme les longues et lentes traversées hymalayennes à dos de yacks, elle trouve en Yves Bonnefoy un fervent admirateur!
Rédigé par : Angèle Paoli | 15 avril 2007 à 00:17
Voici aussi livres que j'ai lus, Dame que j'ai respectée dès les premiers mots, même si moi par contre le style m'indispose un peu, donc pas fervent mais je reste admirateur de l'esprit d'aventure, de la quête spirituelle, et de la liberté d'un être.
Rédigé par : Pant | 16 avril 2007 à 11:08