Ci-dessous un billet qui m’a été transmis par Serge Venturini.
― La Résistance continue, Lucie ! ―
Mardi 15 mars 2007. Décès de Lucie Aubrac, hier soir, entourée des siens, à 94 ans. La nouvelle vient de tomber aux infos de 4 heures, ce matin. Elle m’atteint comme un coup au cœur. Comme un proche de la famille que l’on perd. Comme si le nazisme l’avait rattrapée dans ses griffes. Lucie Aubrac incarnait la résistance des femmes à l’occupation allemande.
Nous n’avions plus de nouvelles d’elle ces derniers temps. Je savais qu’elle avait pris froid au mont Valérien.
J’ai été près d’elle, dans les collèges de banlieue avec les élèves, et ce qui m’a fasciné, c’est d’abord son charisme, son grand caractère. Elle était intrépide, sans être pour autant une héroïne. « Quand ce n’est pas juste, il faut désobéir ! » Il fallait la voir face aux plus jeunes, elle les entraînait par sa parole salubre, magnétique.
Que de souvenirs magnifiques ! Que de visages éclairés !
Je me souviendrai toujours de nos rires de matinaux au sujet des questions d’actualités. Chez Lucie, le monde des idées gardait toujours un sens concret. Sans cesse soucieuse de cohésion, elle partait souvent du détail pour avoir une vue d’ensemble.
Je me souviendrai toujours de son rire sarcastique de femme de tête qui ne connaissait pas la peur. Elle était d’un exceptionnel courage au quotidien, d’un fort tempérament ― refusant inlassablement la mort.
Une âme ardente de fille de vignerons du Mâconnais brûlait dans son corps. Son intelligence rigoureuse allumait froidement son visage sévère, elle aimait goûter un bon verre de vin et la vie lui était un peu plus agréable.
Au moment de partir vers le collège, sur le trottoir, elle me lançait, toujours très directive avec son verbe au couteau : « Allez Serge, montez devant, vous n’allez pas m’offrir la place du mort !... » Cœur et humour. Inébranlablement.
Elle a été résistante jusqu’à son dernier rendez-vous avec la camarde. Audacieuse, altière, intransigeante jusqu’au bout !
En ce premier jour de printemps pluvieux et glacial, sous le pâle soleil de mars, j’étais à mon dernier rendez-vous avec cette femme patriote et tolérante.
Je ne garderai de cette cérémonie solennelle dans la cour des Invalides, simple hommage de la nation avec honneurs militaires, que le visage malheureux de Raymond qui refusa la chaise qu’on lui proposait. Il ne quitta pas des yeux le cercueil de sa compagne. Une compagne de tant d'années. Le Chant des partisans fut murmuré par ceux qui étaient là au moment de la levée du corps.
À rebours du cliché de l’éloge funèbre, selon lequel la lumière rayonnante de la Résistance vient de s’éteindre, je pense, quant à moi, que « sa mort a transformé sa vie en destin ». Selon la belle formule de Malraux dans L'Espoir. LUX, Lucie ! Ton étoile brille.
― Salut à toi, ma très grande dame, légendaire Lucie toujours attentive au sort des plus démunis, ― femme rare ! Tu es toujours VIVANTE ! Tu n’avais pas que des amis, mais j’étais l’un de tes amis.
Exigeante et libre, tu es devenue un exemple à suivre pour les générations futures, un exemple universel. Une femme debout !
Serge Venturini
Paris, le 23 mars 2007.
Voir aussi : - (sur Terres de femmes) 10 mai 1943/Mort à Auschwitz de Danielle Casanova. |
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Bel hommage à une grande âme.
Rédigé par : Alfred Teckel | 01 avril 2007 à 22:46